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▬ Jonas S. & N. Blake R.

Faire le premier pas lui coûtait. Personne n’était apte à le comprendre suffisamment pour comprendre à quel point, faire une tel proposition à Jonas lui était difficile. Blake encaisse les coups durs depuis si longtemps que bien souvent, il en oublie que la vie offre parfois quelques récompenses. Comme l’arrivée inopinée de Jonas dans sa vie. A dire vrai, il ne sait comment la qualifié. Fera-t-il parti du paysage dans les années à venir ? Blake lui-même n’en sait absolument rien. De ses dernières années, rares sont les personnes avec qui il a gardé le contact. Pour quoi, Jonas serait-il l’exception ?

Il pousse la porte du Catalyst. Par habitude, il préfère encore venir se planquer dans cette boite que de traîner au Bones. Bien que seulement quelques semaines se soient écoulées, Blake n’est pas prêt à supporter les regards constants des gens de cette ville. En particulier, s’il met les pieds dans le bar où toute la bande de Noam a élu – depuis l’adolescence – leur quartier général. Il n’avait pas besoin de ça pour le moment. Et puis au Catalyst, il s’y était attaché. C’était dans cette même boite qu’il avait croisé pour la première fois le regard perçant et déstabilisant de Regan. Quand bien même, il évite de trop s’appesantir sur ce chapitre de sa vie. Il lui est difficile de ne rien éprouver lorsque ses pensées s’évadent en direction de la jolie blonde au caractère enflammé.

S’enfonçant vers le fond de la salle, il dépose sa guitare près de la scène. Austin n’est pas encore dans les parages et ça le rassure. Avoir cet imbécile dans les pattes est bien le dernier de ses souhaits. Surtout si l’on prend en compte leur dernière confrontation des plus musclés. Il s’installe au coin du bar et pose l’espace d’une seconde, il pose ses yeux sur ce demi-frère qui tient tant le connaître. Sa vie de troubadour n’avait absolument rien de fantastique. Sauf depuis qu’il avait mit les pieds dans ce bled. Tout s’enchainait à un rythme qu’il parvenait difficilement à suivre. Etait-ce, ce qu’on pouvait appeler une seconde chance ? Cette chance de pouvoir effacer l’ardoise et de recommencer tout à zéro. De se construire et d’y découvrir qu’on vaut mieux que ce qu’on a toujours pu imaginer. Connaître Jonas semblait alors être le premier pas vers une nouvelle existence. Cette vie qu’il avait tendance à envier à Noam, bien qu’il ignore que la vie de ce dernier était bien loin d’être aussi parfaite qu’il puisse l’imaginer. L’apparition du barman le sorti t de ses pensées.

« - Qu’est ce qui te tente ? » lance-t-il à ce jeune demi-frère qu’il ne quitte pas réellement des yeux. Encore curieux de ce qui peut se cacher derrière le calme déroutant du jeune musicien. « Ça sera une bière pour moi, Jamie. » Enchaine-t-il au barman, qui attendait leur commande.

Y avait-il un moyen de lancer une conversation avec Jonas ? Devait il rentrer directement dans le vif du sujet ou bien commencer par des trucs insignifiant. C’était entre autres dans ce style de situation qu’il était totalement paumé. Il aimerait briser le silence pour que Jonas s’aperçoive qu’il n’est pas de mauvaise volonté. Sauf que sa crainte de mettre les pieds dans le plat est pour ainsi dire, de plus en plus évidente.

« - J’suppose que c’est pas un hasard si t’es tout fraichement débarqué dans cette ville. Noam a débarqué comme un cheveu sur la soupe dans ta vie ? » Hasarde-t-il en gardant le yeux rivés sur le visage de Jonas. « T’as surement dû bien mieux le recevoir que moi… »

C'était inattendu, et Jonas avait un peu de mal à le croire, mais Blake avait accepté d'aller boire un verre avec lui. Mais revenons au commencement : quand Jonas avait pris Blake pour Noam, au parc, ça n'avait pas auguré d'une rencontre sous les meilleurs auspices. D'ailleurs, Blake avait commencé par l'envoyer promener, même en sachant qu'ils étaient demi-frères, avant de se radoucir un peu et de discuter deux minutes avec lui. Mais Jonas n'aurait pour autant vraiment pas cru qu'il accepterait effectivement d'aller boire une bière, comme il le lui avait proposé.
C'était une bonne nouvelle, d'ailleurs ; Jonas, lui, depuis qu'il avait appris avoir une fratrie, avait envie de les connaître. Il connaissait Noam, bien sûr, qui était déjà un ami ; mais il y avait Blake et Reese, aussi. Noam lui avait dit que ce serait compliqué, et avec Blake rien n'était encore fait, mais il y avait de bonnes raisons d'espérer, non ?
Il suivit son frère au fond du bar ; visiblement, Blake connaissait déjà les lieux. Naturellement, Jonas, bien qu'il sortit peu, ne venait pas ici, mais plutôt au Bones ; 90% du temps, quand il sort, c'est avec Noam. La musique lui demande énormément de temps, il travaille dur pour préparer sa tournée, et il n'a guère de temps pour se faire des amis.

Ce sera une bière pour moi, également. Il avait fait chaud, aujourd'hui, ce qui d'ailleurs avait permis que l'audition au parc se déroule dans les meilleures conditions possibles ; mais du coup, la perspective d'une boisson fraîche était plutôt sympathique. Même si, surtout, c'était le lieu et la personne en face de lui qui comptaient. Il avait envie d'en savoir plus sur Blake, et de savoir surtout tout ce que son dossier ne disait pas, qui il était vraiment, finalement. Il avait l'air d'avoir un caractère plutôt solitaire, ce que Jonas pouvait s'expliquer, mais celui-ci restait persuadé qu'il devait y avoir quelque chose derrière. Personne ne vit tout seul, tout le temps, sans laisser rentrer personne dans son monde. Qui serait fait ainsi pour une vie de solitude ?
Par contre, il ne sait pas bien comment engager la discussion ; quelque part, Blake l'impressionne un peu, avec son caractère bourru. Aussi est-il soulagé quand c'est finalement celui-ci qui aborde le premier le sujet de leur lien familial. Et Jonas constate qu'une fois de plus, il le fait par la biais de Noam. Certes, Noam est celui qui a entrepris les recherches pour les retrouver, tous, mais ... Blake ne ferait-il pas une fixette sur lui ? Peut-être un peu d'envie ... Ce serait compréhensible, en un sens, même si la nouvelle que lui a appris Noam au sujet de Charly n'augure pas de temps très joyeux pour son autre demi-frère.

Leurs bières viennent d'arriver, et Jonas commence par en boire une gorgée, avant de répondre à Blake ; après l'audition, il s'est excusé, et n'a pas assisté au petit pot, qui pourtant était organisé en son honneur. Il y a des priorités qu'il faut savoir se définir, et la famille en est indubitablement une. Noam a débarqué comme un cheveu dans la soupe oui, mais sans doute pas de la manière dont tu te l'imagines. On n'a pas su tout de suite, tous les deux, qu'on était du même sang. Ce serait trop simple, et pas assez ressemblant à Jonas. Alors que se faire sortir d'un mauvais pas parce qu'on a été trop maladroit, ça, oui, c'est typiquement lui ! J'avais eu un concert, dans une ville pas si loin d'ici, et j'avais loué un vélo pour me déplacer. Et avec le violon sur le dos, j'ai un peu foiré ma manoeuvre en vélo. J'ai éraflé la voiture d'un mec, qui l'a très mal pris. Sans Noam, je crois que j'aurais passé un sale quart d'heure. C'était abusé, d'ailleurs, quand on y pense bien, de vouloir casser la figure de quelqu'un pour une voiture. C'est pas comme s'il l'avait fait exprès, ou comme si ça ne se réparait pas ! Enfin bref ... Noam était intervenu, heureusement ! On a fait connaissance, à partir de là, et comme je cherchais un endroit plus tranquille que New York pour habiter en préparant ma tournée, je me suis installé ici. J'ai appris que plus tard qu'on avait le même père. Et il en était resté sur le cul, bien que plutôt content. La coincidence, que ce soit justement Noam qui se soit trouvé là ce jour-là, était incroyable ! Et toi ? Il est venu te voir ? Vous êtes jumeaux, ça a dû être encore autre chose que moi qui ne suis que le demi-frère ...

On ne pourrait pas lui reprocher qu’il ne fait pas d’effort. Cette proposition qu’il a faite à Jonas semble se dérouler sous les meilleurs hospices. Enfin, il n’est sûr de rien. La vie de Blake est complexe. Personne n’est jusque-là, parvenu à briser ses défenses. Généralement, il passe entre les mailles du filet et personne ne prend le temps de s’intéresser à lui. C’est un écorché vif. Le genre d’hommes qui a pour habitude de déchainer les passions et s’attirer les regards d’homme jaloux. Il est habitué à sentir des regards haineux se poser sur lui. D’ailleurs, il attend toujours qu’on le frappe pour riposter. Son casier est vierge malgré le nombre incalculable de bagarre auxquels il a été mêlé. S’il a choisi le Catalyst pour emmener Jonas boire un verre, ça n’est pas parce qu’il y est fourré tous les jours. Il existe une raison bien plus logique à ça. En mettant les pieds au Bones, il attirerait l’attention de Charly ou de l’un des membres de la bande. Un de ses amis qui n’hésiterait pas à rapporter à Noam que son jumeau était au Bones. Et ça, il n’y tient pas particulièrement. Avoir un jumeau n’était déjà pas une partie de plaisir. Mais si en plus, tous ses faits et gestes étaient épiés, c’était le comble. Et puis le Catalyst, c’est d’autant plus un souvenir plein de fraicheur à ses yeux. Car c’est le premier endroit où il a posé ses yeux sur la jolie Regan. Et ça, il serait bien le dernier à oublier de mentionner que cette fille est un joyau sorti d’une mine diamantaire.

S’installant au bar, il regard Jonas faire de même avant de commander une bière. Faisant de même, il tente de mieux cerner ce demi-frère dont il a longtemps, lui-même ignorer l’existence. Pour Blake ce genre de situation est très difficile à gérer. Il n’a pas de famille. La rare qu’il a eu, est morte lorsqu’il était un petit garçon. Depuis, il a appris à garder ses distances. Car cette amour lorsqu’il se volatilise, est d’autant plus destructeur. On pourrait croire qu’il n’a pas de cœur, or il tient juste à se protéger. Sauf qu’à trop user de cette protection, on oublie vite que le plus beau des sentiments c’est l’amour. Alors Blake choisira-t-il enfin de sortir de sa coquille et de donner une chance à ceux qui réclament sa venue dans leurs vies ?

Ça n’est pas que Blake déteste Noam. Si en soit, c’est l’impression qu’il donne, Blake n’est pas aussi vindicatif. Il souffre. Il veut que ça cesse mais il n’a pas les armes pour se battre contre l’amour d’un frère, d’une famille. Pour une fois, il songe que rester seul est son unique moyen pour cesser d’avoir mal. Or, l’entêtement de Noam l’agace. Parce que Blake se connait et donc il sait jusqu’où Noam est capable d’aller. Et pour être franc, ça le gonfle prodigieusement. Parce que Noam ne baissera pas les bras, tant qu’il n’aura pas la vérité et les réponses à toutes ses questions qui se succèdent dans son esprit. Et puis, comment expliquer la complexité de cette relation avec Noam à Jonas. Il l’écoute alors parler de Noam et lui relater leur rencontre. A l’idée que Noam soit venu défendre ce demi-frère sans l’ombre d’une hésitation, Blake a ce sourire énigmatique sur le visage. Visiblement, ils se ressemblent bel et bien. Capable du pire comme du meilleur et de sortir leurs poings lorsque la situation le nécessite. Leurs ressemblances s’arrêtent elles là ? C’est à cet instant que Jonas lui demande comment c’est passé sa rencontre avec Noam. Machinalement, il plisse les yeux, cherchant à travers son regard le moindre indice qui le convaincrait d’un manque total de sincérité. Car si Blake n’est qu’un homme, il y a une chose qui le met en boule : l’hypocrisie et le mensonge. Sauf que rien de tout ça, ne brille dans les yeux de ce nouveau demi-frère.

« Tu veux dire avant ou après que je lui ai mis mon poing dans la figure ? » relève Blake avant de porter sa bière à ses lèvres. Peut-être qu’il a eu tort. Mais il était dans un mauvais jour et l’arrivé de Noam avec ses questions et cet entêtement n’ont rien arrangé. « On a le même ADN et on partage beaucoup de similitude mais ça fait pas de lui mon frère. Je sais que ça semble méchant de tenir un tel discours mais ma vie… je préfère cent fois ma solitude que d’être à nouveau abandonné par ceux qui se déclare être ma famille. » Jonas ne comprendrait pas forcément son point de vue. Mais il n’y pouvait rien. Personne ne s’était mis à sa place. Personne n’avait cherché à savoir ce qu’un jour il avait pu ressentir à la mort de ses parents adoptifs et plus tard, de son meilleur ami. Il en a encore des souvenirs des plus mémorables. L’odeur du sang chaud de Boone, il ne s’en ait jamais débarrassé et pourtant ça fait des années que ce dernier a été enterré. « J’ai passé plus de temps en foyer à me battre pour un peu de respect et aujourd’hui que je découvre que j’ai une famille, je suis censé changer du jour au lendemain ? Je sais que Noam ne lâchera pas le morceau. Parce qu’on est comme ça. Borné et déraisonnable mais un jour, il devra ouvrir les yeux… et ce jour-là, il se rendra compte que j’ai pas complètement tort. » Il n’en veut pas à Noam d’être si idéaliste. Ils ont vécu deux choses totalement différentes. Pendant que Noam perdait Lynn, Blake avait déjà dû dire adieu à ses parents adoptifs et à Boone. Noam croit encore en l’espoir et à la vie, Blake de son côté prend chaque jour comme il vient. Sans faire de projet. La mort viendra tôt ou tard, et déjà il se sent prêt à l’affronter. Car il n’est pas à l’abri d’un combat de rue où il pourrait y laisser sa peau. Survivre, c’est justement ce qui résume toute la vie du jeune Rivers. Il repense alors à la question de Jonas sur sa rencontre avec Noam. « C’était un jour de répétition. Austin m’avait foutu en boule et j’peux te dire que je n’étais pas à prendre avec des pincettes. Ce type est un crétin fini… » Soupire Blake en songeant à cet abruti que Regan avait épousé lorsqu’elle sortait à peine de l’adolescence. « Quand j’ai vu Noam, je l’ai pratiquement agressé et on en est venu aux mains très rapidement… résultat, on a fini aux urgences ensemble… un jour peut-être qu’on en rigolera mais pour le moment, il n’est pas prêt à accepter que je ne veuille pas rentrer dans les rangs. »