── FEAT BLAKE RIVERS & CHARLY EVANS

« Josh je vais bien. » Ces derniers temps, elle avait l’impression que ces amis se donnaient le mot pour s’assurer à tour de rôle qu’elle allait bien. Ca avait commencé ce matin avec Casey, qui était venu lui apporter son petit déjeuner, puis Joyce qui était venu s’assurer qu’elle avait dormi cette nuit. Et maintenant Josh. Si elle ne les connaissait pas mieux, elle aurait pu croire que Noam les avait mis au courant sur son état de santé. Sauf que si ça avait été le cas, aucun ne l’aurait laissé retourné au travail. Ces derniers temps, elle passait plus de temps au Bones qu’elle n’en avait jamais passé. Elle rentrait chez elle uniquement pour voir sa fille et faisait toujours en sorte de sortir avec elle. Elle ne supportait plus de voir Noam. A chaque fois qu’il se croisait dans la maison, il lui lançait ce regard brisé et plus elle le voyait, plus elle se détestait parce qu’elle savait qu’elle devait ressentir quelque chose, mais elle ne ressentait rien.

Attrapant un verre, elle tira une bière et l’a tendit à Josh qui la regardait sous tous les angles. Elle savait qu’il finirait bien par découvrir la vérité, un jour ou l’autre. Mais pour le moment elle voulait le préserver. « Est-ce qu’on va parler de ce qui se passe entre toi et Noam ? » Oh c’était donc ça. C’était pas sa maladie. Tout le monde avait remarqué que sa relation avec Noam avait complétement déraillé et avais pris une tournure catastrophie. Légèrement décontenancé, elle remit très vite un sourire sur ses lèvres. « Bien sur, mais d’abord, tu dois aller travailler. » répliqua-t-elle avec un sourire mesquin. Il jeta un rapide coup d’œil à sa montre et dut admettre sa défaite. C’est ce qu’on appelait être sauvée par le gong. Josh déposa un baiser sur le front de la jolie brune avant de quitter le bar. Elle s’assura qu’il était enfin parti pour arrêter de sourire. Elle dut prendre une grande inspiration pour s’assurer que ces nerfs n’allaient pas lui jouer un mauvais tour. Elle devait apprendre à mieux gérer ses sentiments sinon elle allait finir par tout lui avouer. De sa rupture avec Noam à son cancer qui l’a rongeait doucement. Elle posa les mains sur le comptoir pour s’aider à reprendre un rythme de respiration normal. Elle était prête à retourner dans son bureau le temps de s’allonger quelques secondes quand son regard croisa deux grands yeux bruns qu’elle connaissait par cœur.

A une différence prêt, ils n’appartenait pas à Noam. Elle s’était plongée de fois tellement souvent qu’elle pouvait les reconnaitre n’importe où. Elle en eut le souffle coupé. Il n’y avait pas à dire. Ils étaient bien jumeaux, si ce n’est que Noam avait une cicatrice au dessus du sourcil que n’avait apparemment pas son jumeau. Doucement, elle s'approcha de lui. Elle ne savait pas trop comment réagir. Est ce qu'elle était censé réagir ? Elle se souvenut qu'elle était Charly Evans et qu'elle n'avait pas besoin de réfléchir à comment agir face à une personne. « Pour quelqu'un qui ne veut rien avoir à faire avec son frère, vous êtes en ville depuis un certain temps.»

Le Bones était le dernier endroit où il aurait mis les pieds. C’était comme empiété sur le territoire de Noam. A ses yeux, il n’avait rien à faire dans cet endroit. Il pourrait être sans fois mieux au Catalyst où à cet appartement qu’il loue depuis quelques semaines. Mais non. Courtney avait tenu à le rencontrer ici. Il savait pertinemment que la jeune femme avait des difficultés et qu’un peu de soutien lui ferait du bien. Or, était vraiment de son soutien à lui qu’elle avait besoin ? Cette question, il n’était pas sans ignorer la réponse. Elle avait besoin de lui car il était tout ce qui lui restait. Il lui devait bien ça. Pour Boone. Pour son incapacité à avoir sauvé la vie de son meilleur ami. Il ne pouvait pas faire comme si le passé n’existait pas. Il devait s’y faire. Courtney et lui seraient liés jusqu’à la fin de leur jours. Même si leur passé ne requérait rien de glorieux et d’hilarant. C’était sa vie. Leurs vies.

Il l’écoutait doucement déblatéré qu’elle attendait la réponse d’un job. Blake avait grandi à ses côtés, ainsi il connaissait cette douce détermination chez la jeune Miller. Elle aurait ce job. Ou si ça n’était pas celui-là, ça serait le suivant. Il lui faisait confiance pour se sortir du merdier dans lequel, elle vivait depuis trop longtemps. Elle ne baissera pas les bras. Courtney a de bonnes raison pour ça. Cette détermination la sauvera comme la musique a sauvé Blake. Et si pendant des années, il a parcouru les routes, il semblerait que cette ville le somme de faire un arrêt plus long cette fois. « J’t’ai vu avec cette fille… plusieurs fois. » « Quelle fille ? » Il faisait l’autruche. Tandis qu’elle haussait un sourcil avec cet air qu’il lui connaissait si bien « Arrête de te foutre de ma gueule. » Il haussa alors les épaules et attrapa le verre posé devant lui. « C’est l’ex d’Austin. » répond-t-il à la question silencieuse de Courtney. « Intéressant. J’savais pas que tu marchais sur les plates-bandes des autres. » « Je sors pas avec elle. » Lance-t-il sur la défensive. « Vraiment ?! Parce que vu la façon dont tu la regardes… c’est pas l’impression que ça donne. » « Fermes là ! » Grince-t-il en vidant son verre cul sec. Il détestait cette façon qu’elle avait de s’intéresser à sa vie. Cette attitude de vouloir tout savoir, d’être trop proche de lui. Enfin, il ne lui reprochait pas. C’était juste qu’il n’était pas habitué à ça. « Je… c’est compliqué. Faire partie de sa vie m’est nécessaire. Sans ça, j’ai l’impression de n’être bon à rien, de ne plus exister… » Lui confie-t-il perdu dans ses pensées. Il n’était pas ce genre de type à se confier et pourtant, il n’hésitait pas vraiment en présence de Courtney. Parce qu’elle connaissait son passé – ou du moins en grande partie – et parce qu’il était certain qu’elle aussi avait connu ce sentiment. Etrangement, elle ne lui répliqua rien, se contentant de poser une main sur la sienne. Oui elle comprenait. Mieux que certaines personnes. Il hocha alors simplement la tête et quelques minutes plus tard, ils durent se séparer car elle devait se rendre à un nouvel entretien. « Bonne chance. » lui souffla-t-il avant de lui adresser un lent sourire.

Mettre des mots sur cet attachement qu’il éprouvait vis-à-vis de Regan l’inquiétait. Il détestait se savoir dépendant d’elle. Qu’elle ait autant d’importance dans sa vie, surtout depuis le feu de camp. Parce que, qui aurait connaissance de ça, saura comment l’attaquer et le faire fléchir. Austin le premier. Rien que pour ça, il lui remettrait bien son poing dans la figure mais ça n’arrangerait pas leur collaboration. Surtout qu’il était à deux doigts de plaquer le groupe, à cause de ce crétin. Jouant avec son verre vide, son regard se perd dans cette pièce lorsque son regard accroche celui de la brune derrière le comptoir. Il émet un lent soupir. Il est vraiment temps qu’il quitte cet endroit mais déjà elle le harponne avec une phrase qui le fait monter en pression. Noam bien sûr. Qui d’autres que son frère pour s’énerver si vite. « Et pour quelqu’un de si « exemplaire », vous vous mêlez un peu trop de ce qui ne vous regarde pas ! » réplique-t-il sans la quittez des yeux. De quel droit se mêlait-elle de sa relation avec Noam. Même si elle sortait avec lui, ce n’était pas ses oignons.

Blake ne voulait pas devenir méchant. Son regard posé sur elle, il lui était évident que quelque chose la rongeait. Un secret. Une maladie surement. A son teint et son épuisement qui se lisait sur ses traits, il était conscient que seule une maladie pouvait détruire une personne à ce point. Il le savait pour avoir participé à quelques animations dans des hôpitaux pour les enfants. Toujours les enfants. Les adultes, c’était différent. Alors que les enfants s’émerveillaient pour de petites choses. Ils étaient innocents et la vie se devait de leur apporter un peu de magie. Et lui, l’ours qu’il pouvait être, il aimait leur donner un peu de bonheur pendant cinq minutes. Il ne la connaissait pas et pourtant, il songea à Noam à ce qu’il devait ressentir auprès de Charly et à la voir dépérir. « Si vous aviez un peu de bon sens, vous lui feriez un peu confiance… car si, comme il parait, lui et moi, on se ressemble. Les deux prochains à mourir dans cet ville ça sera vous et Noam. » Déclare Blake sans remords. Après tout, il ne fait que lui dire la vérité. Car lui se connait. Et s’il devait perdre Regan ou Courtney, il doute de pouvoir survivre à ça. Parce qu’il en a trop vu et que cette souffrance peut vous mener par le bout du nez, jusqu’au point de tout abandonner. Famille et espoir.

Le bones était son bar. Et pour cette simple raison, elle pensait qu'elle avait le droit de se meler des histoires qui s'y passait. C'est d'ailleurs pour ça qu'elle arrangeait toujours les soirées de Casey et Joyce ici. Dans une autre vie, elle aurait pu être cupidon. Alors si elle se permettait de s'occupper des histoires d'amours d'inconnus, elle pouvait s'occuper des histoires de famille de Noam. Elle avait une idée derrière la tête et rien ne lui ferait changer d'avis, pas même une remarque sarcastique sur son comportement. Elle repoussa cette remarque avec un sourire énigmatique dont elle seule avait le secret. « Tout le monde dans cette ville sait que je me mêle de ce qui me regarde pas. Ils m’ont tous vu grandir, personne ne me prendrait pour une fille exemplaire. » Au contraire même. Elle serait plutôt l’exemple de ce qui ne faut surtout pas suivre. Elle avait enchainé les bêtises avec Josh quand elle était au lycée. Kidnapper la mascotte de l’équipe adverse de football américain, c’était son idée et même si personne n’avait jamais pu le prouver, tout le monde savait qu’elle était à l’origine de la voiture saccagée de Sara. Personne n’était dupe. A partir du moment où la jeune Evans était dans les parages, tout le monde était sur ses gardes. Seules les personnes qui la connaissaient réellement savaient qu’elle était aussi douce qu’elle pouvait être garce.


Essuyant un verre, elle manqua de le casser en l’écoutant parler. Comment avait-il deviné ce qui se tramait en elle ? Deux personnes étaient au courant : Noam et June. Elle était sûre que ce n’était pas le dernier qui en avait parlé. Peut être était ce Noam, mais elle en doutait. Il lui avait raconté leur rencontre et elle ne s’était pas passée comme il l’avait prévu. Il avait mis tant d’espoir en Blake qu’il avait fini par être déçu, alors elle doutait fortement qu’il est parlé de la maladie de Charly ou même de leur famille. A moins qu’ils se soient parlé ces derniers jours. Au vu de la première réaction de Blake, elle dirait que non. Il ne restait plus qu’une seule solution : elle paraissait plus malade qu’elle ne voulait bien le croire. Son sourire s’effaça rapidement et elle se mordit la lèvre pour ne pas lui crier dessus. Charly avait toujours eu du mal à contrôler ces nerfs, mais ces derniers temps, c’était pire. Elle s’approcha de lui, comme pour lui dire un secret, qui en soit en était presque un. « Je suis la seule qui va mourir. Mais pour que ce soit le cas, Noam a besoin de vous. Ma fille a besoin de son oncle. » Elle lui en demandait beaucoup, mais peut être était ce le déclic dont il avait besoin pour finalement comprendre qu’il y avait des gens innocents qui avait besoin de lui. Charly savait qu’elle allait mourir. Ce cancer la rongeait de plus en plus, mais elle ne pouvait pas partir en paix si elle n’était pas sûre qu’il y ait des gens pour entourer sa fille. Noaly était sa priorité et elle devait s’assurer que tout irait bien pour elle.

Dans une aussi petite ville, il faut être sur ses gardes en permanence. Pourquoi ? A cause de ses veilles pie, qui ne cesses de vous épier à longueur de temps. Voir la première connerie que vous ferez ou même tout simplement pour dénicher le premier cancan. C’est pour cette raison qu’il déteste ce genre de villes. Tout se sait à une vitesse hallucinante et au final, tout le monde connait la vie privée de son voisin. Là, sous le regard insistant de Charly, il sait ce qu’il lui attend. Une discussion qu’il préfèrerait éviter. Parler de Noam ? Avec elle, ça lui semblait inévitable. Il se retient pourtant de soupirer. Si elle sort avec son frère ou sortait avec son frère, parce que ces maudites rumeurs lui reviennent aux oreilles, c’est que Charly doit être une fille correcte. Enfin entre Noam et lui, il y a un fossé. Que même le temps ne risque pas de combler.

On répète autour de lui qu’ils se ressemblent mais Blake, lui, pense l’inverse. Ils partagent un lien indéniable. Pour arriver à une telle ressemblance, on ne peut pas parler de sosies. Regan lui avait déjà fait remarquer que tous deux étaient les deux personnes les plus butés qu’elle connaissait. Et alors, ça ne voulait pas dire que Noam était SON frère ! Leur lien s’arrêtait à leur partage d’ADN. Bien qu’il ne soit pas réellement agréable avec elle, il ne s’empêche pas moins de lui répondre avec cet étrange sourire sur le visage. Lui-même le connait. A force de trop en jouer, on s’y perd. Et c’est surement ce qu’elle n’a pas encore comprit. « Dommage. Ils ont eu maintes occasions de se débarrasser du monstre que vous êtes, et ils ont laissé filer leur chance. Un jour où l’autre, ils finiront par regretter de vous avoir laissé l’opportunité d’avoir une vie. » Elle se croyait plus maline que lui. Des personnes bouchées, il en a rencontré mais des filles qui se cachent derrière ce qu’elles sont vraiment, ça a le don de l’agacer. Pourquoi ne peuvent-elles pas être simples et naturelles ? Pourquoi monter un mur de protection alors que la vie est déjà si cruelle ?

A la voir, il se demande encore comment elle peut tenir sur ses deux jambes. Bien vite, il a su la jauger. Un tempérament suffisamment fort pour être capable de tenir tête à Noam. Car cela va sans dire qu’entre eux, ça doit être tout ou rien. Et le torchon doit surement être en train de brûler. Il sent rend compte à ce regard incertain qu’elle pose sur lui. Il s’interroge même sur comment il est encore possible que personne n’ait une assez bonne vue, pour ne pas l’avoir mise au pied du mur. Visiblement ses propos font mouche. Il est assez fier de sa répartie mais également que le ton pourrait monter très vite entre eux. Parce que lorsqu’il s’agit de détruire une famille, il sort de ses gonds. Lorsqu’on a le choix, la question ne se pose pas, on fonce. Lorsqu’on nous soustrait ses droits, on n’a qu’une seule option, subir et tenter de réapprendre à vivre sans l’essentiel. ET ça, Blake le sait trop pour l’avoir vécu. Il ne se fige même pas à ses mots. Elle s’attend vraiment à ce que sa fille, soit sa nièce ? Sans broncher, le visage des plus impassibles, il ancre ce regard sombre dans celui de la jeune Evans, au visage ravagé par la maladie. « Un enfant, ça a besoin de ses deux parents. Entouré ou pas, Noam sombrera. J’vous apprends pas qu’il n’envisage pas une vie sans vous. Et croyez-moi, il est prêt à l’assumer. » Blake l’avait rarement aperçu en présence de la jeune Evans, ces derniers temps. Il lui avait suffi de les voir ensemble une seule fois. Le regard que Noam posait sur Charly était évocateur. Il lui vouait sa vie. Il était prêt à tout et c’était peu dire. Se sacrifier, signifierait pour lui, la retrouver et la rejoindre. Alors non, il n’aurait pas peur de franchir le pas. Mais elle, en avait-elle conscience ? Et leur fille ? N’aimait il pas suffisamment Noaly, au point d’envisager la fin de son existence ? Blake sait que Noam aime sa fille, mais voir cet être ressembler de plus en plus à sa mère sera certainement au-delà de ses forces. Tout comme il n’accepterait pas de perdre Charly une fois de plus. Tout comme lui n’envisageait plus de perdre Regan ou Courtney. Alors on peut les qualifier de faible ou simplement d’homme de cœur. Toujours est-il que ces deux-là se ressemblaient trop, malgré leurs idées divergentes. « Votre fille a déjà une famille. Celle que vous lui avez construite. Et si vous pensez que ça me rapprochera de Noam, vous vous trompez. » Hausse-t-il les épaules. « On a tous besoin d’une famille… mais pas à n’importe quel prix. Quant à Noam, j’peux vous dire que sa décision est prise depuis longtemps… Vous êtes la seule à pouvoir le faire changer d’avis. Et on le sait tous les trois. » Enchaine-t-il avant de détourner les yeux lorsqu’une musique se fait entendre par le piano disposé sur la petite scène au fond de la pièce. « Mais vu que vous êtes décidé à crever. Grand bien vous fasse. Comptez pas sur ma bénédiction. Après tout, vous savez c’que vous faites. » Son franc parler risquait bien de lui attirer les foudres de Charly et alors ? C’est pas ça qui le ferait changer d’avis. Elle était l’unique responsable de son existence. Si elle tenait tant à ruiner sa vie, c’était sa décision mais elle oubliait vite qu’elle entrainerait d’autres vies dans son sillage. Dont deux qui ne dépendait que d’elle.

Elle connaissait ce genre de personne. Il avait beau ressembler à Noam comme deux gouttes d’eaux, elle avait vite compris qu’il existait une ressemblance encore plus troublante avec elle. Elle ne connait rien de sa vie, mais elle sait déjà qu’il a été blessé par la vie et que pour se protéger, il réplique à coups de remarques méchantes ou désobligeantes. Elle ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec ses propres moyens de défenses. Elle aussi se protège derrière une carapace de garce et de remarques sarcastiques. C’est comme ça qu’elle s’est toujours protégé. Dès l’école primaire quand les enfants méchants se moquaient d’elles parce qu’elle n’avait pas de maman. Elle avait appris à répliquer autrement qu’avec ses points (son père ne s’en serait jamais remis s’il avait été convoqué chez la directrice parce que son petit ange était une bagarreuse.) Charly était plus subtile que ça. C’est pour ça qu’elle prit sa remarque avec le sourire. Elle souleva les épaules, nonchalante. « Peut être que je suis le monstre, qui permet à cette ville de tenir debout. Toute ville a besoin d’un monstre, sur qui parler. Je suis le leur. » Elle était habituée aux commérages. Depuis toute petite, elle entendant les mamies parler derrière son dos en disant que c’était inacceptable qu’une aussi belle petite fille grandisse dans un bar. Ca avait continué au lycée quand elle avait commencé à fréquenter Noam. Ce n’était plus des mamies, mais les commérages restaient. Elle avait appris à passer outre et à vivre sa vie comme elle l’entendant.


Par contre sa remarque sur sa maladie, elle n’était pas prête à l’entendre. Elle avait déjà du mal à l’accepter venant de Noam. Venant d’un parfait inconnu, c’était encore pire. Elle encaissa le coup sans rien dire. Elle serra la mâchoire pour éviter de l’envoyer balader. Elle avait une idée derrière la tête et tout le monde savait que Charly n’abandonnait que quand tout c’était passé comme elle le désirait. Elle savait que Noam avait du mal à imaginer une vie sans elle, mais elle était fatiguée de devoir se battre pour lui. Elle avait l’impression que c’était ce qu’elle avait fait toute sa vie. Leur relation devenait de plus en plus destructrice. C’était une des raisons qui l’avait poussé à rompre avec lui. Il apprendrait à vivre sans elle, comme elle avait appris à vivre sans lui pendant deux ans. « Premièrement, vous ne connaissez rien de notre histoire, parce que si c’était le cas, vous sauriez que Noam a déjà pris la décision de vivre sans moi et qu’il s’y est tenu pendant deux ans. Il arrivera à vivre une vie entière sans moi. On perd tous quelqu’un un jour où l’autre, ce n’est pas une raison pour abandonner le combat. Il sait très bien que je lui pardonnerais jamais s’il essaye de me rejoindre. Il a notre fille. » Résuma-t-elle, comme si c’était évident. Noaly était plus importante que Charly. Elle n’envisageait pas d’abandonner sa fille. S’il arrivait quelque chose à Noam, elle n’essaierait même pas de le rejoindre. L’idée de laisser Noaly ne lui traverserait même pas l’esprit. Alors peut être qu’elle était moins amoureuse que Noam que lui ne l’était d’elle ou peut être qu’elle était plus responsable, mais une chose était sûre. Si Noam essayait de la rejoindre, il ferait ça pour rien. Parce que s’il existe un après, la Charly de l’après ne pardonnera jamais à Noam. Son plan ne marchait pas vraiment comme elle le voulait. Elle avait espéré qu’en jouant sur sa maladie, il prendrait pitié de Noam et se rapprochait de lui. C’était un gros échec, mais elle n’était pas prête à abandonner. Elle avait plus d’un tour dans son sac, mais avant, elle avait quelque chose à mettre au clair. « Vous ne me connaissez pas. J’attends pas votre bénédiction. J’attends la bénédiction de personne. Je vais mourir. C’est un fait. Je sais pas la raison qui vous pousse à rester à Hope Mills, et franchement, je m’en fiche. On choisit pas sa famille. Vous pouvez continuer de vous plaindre sur la vie que vous aviez avant, sur la vie parfaite que vous n’avez pas eu dans votre foyer ou vous pouvez commencer à créer une nouvelle famille. Noam n’y peut rien si lui a été adopté et pas vous. Et si vous pensez qu’il a eu une vie parfaite, vous vous trompez. Son père était un tyran. Noam n’avait même pas le droit de faire le sport qu’il souhaitait. Si ce n’était pas du football américain. Sa sœur est décédée. » Elle s’arrêta là quelques secondes. Parler de Lynn lui avait toujours été difficile. Devant un inconnu, c’était pire. Il ne la connaissait pas. Il ne savait rien de Lynn et elle ne pouvait s’empêcher de se dire que si elle avait été là, Noam et Blake seraient devenus les meilleurs amis. « Vous avez peut être pas eu la chance d’avoir une famille, mais la vie vous en offre une deuxième. Il est peut être temps d’arrêter d’être têtu. »

Il aimerait se tromper sur Charly. Car ça rendrait peut être cette conversation plus facile. Blake n’est pas facile à vivre. Il a des sautes d’humeur comme beaucoup de personne et cette agressivité, il ne peut pas réellement s’en défaire. C’est ce qui fait de lui ce type si froid et mystérieux. On le pense bourru et acariâtre mais il n’est pas vraiment comme ça. Il faut savoir lui parler, lui tirer les vers du nez ou plutôt le charmer. Il ne cherche pas spécialement l’attention et lorsqu’il voit Charly essayer d’engager la conversation, il s’emporte vite. Trop. Parce qu’il connait ce genre de personne. Elle veut tout gérer, toute seule. Oui, pour connaitre, il connait. Lui-même est cet adepte du « j’te file un sourire pour que tu vois pas que j’vais pas bien. » Il sait ce qui se cache derrière ce masque. Il sait aussi qu’au plus profond d’elle-même, elle doit crever de trouille. Tout comme lui éprouve cette peur insaisissable à l’idée de s’attacher à quelqu’un. Alors oui, il se permet de penser connaitre la jolie brune. « Et à votre mort, c’est votre fille qui prendra le relais… joli héritage en perspective. Vous pourriez pas faire mieux. » Hausse-t-il les épaules. A vrai dire, il sait que dans ces petites villes, il en faut pour tous les gouts. Et puis, il est impossible de passer à travers les cancans d’un petit bourg. Quand bien même, il n’est pas encore décidé à partir de cette bourgade.

Son état était flagrant. Du moins aux yeux de Blake. Car il a passé du temps dans les hôpitaux. Malgré lui, son esprit a enregistré certains détails que seule la maladie peut provoquer. Et en l’occurrence, le cas de Charly était évident. Quelque chose la ronge. Une maladie sournoise et vile. Quelque chose de destructeur. Pourtant, elle semblait encore alerte et capable de tenir un bar. Enfin, si ça n’avait tenu qu’à lui, il l’aurait surement collé dans une geste. Mais il ne pouvait pas faire ça. Enfin, si. Mais non. Par rapport à Noam, il pourrait. Mais vu qu’il rejette ce lien de parenté, ça ferait vraiment mauvais effet. Alors, il reste distant. Il l’écoute parler de Noam et de son départ. De leur séparation et du fait que Noam sait pertinemment qu’elle lui en voudra si jamais il commettait l’irréparable pour la rejoindre. Parce qu’il aura leur fille. Machinalement, il secoue la tête. Elle croit avoir tout comprit mais elle se trompe. Elle pense que Noam peut élever leur fille. Là, c’est sûr, il peut. Comment a-t-il pu ne pas sombrer en restant deux ans loin d’elle ? Parce qu’elle était vivante. C’est de l’évidence sauf que ça ne semble pas être encore monté au cerveau de la jeune Evans. « Vous estimez que parce qu’il aura Noaly, ça suffira à l’aider à se remettre sur pieds ? » la fixa-t-il, le plus sérieusement du monde. « C’est vrai que voir votre portrait grandir au quotidien, il en sera fou de joie. » réplique Blake froidement. « Je ne sais peut être rien de votre histoire, mais je me connais. Si j’arrive à tout plaquer pour quelqu’un qui compte à mes yeux, il le fera aussi. Parce que même si je n’accepte pas ma relation avec lui, je me dois d’accepter nos ressemblances. »

Il ne tient pas à entretenir une relation avec Noam. Ils sont jumeaux, ont eu deux vies totalement différentes. La vie veut les voir vivre dans une même ville. Ceci dit, ça n’est pas pour autant qu’ils doivent s’apprécier. Blake aime sa solitude alors que Noam aime être entouré. Ils sont différents sur plusieurs points de cette façon. Parce qu’ils ont eu des éducations complètement opposé. Et parce qu’il a perdu certaines personnes qui lui était cher. C’est la raison principale pour laquelle aujourd’hui, il est devenu si distant. « Oui, c’est sur vous allez mourir… comme tout le monde. » rétorque-t-il sur ce même ton glacial. « La simple différence, c’est que vous voulez mourir. Vous ne songez même pas à vous battre, ce qui donne un aperçu de votre état mental. Et vraiment, j’me demande comment Noam fait pour vous soutenir. Il doit surement bouillir de rage ou être complètement désespéré. D’ailleurs vous étiez au courant pour sa dépression ? Enfin, ça date pas d’aujourd’hui, vu son état… » Lâche-t-il sans la quitter des yeux. C’était son frère. Il se devait de l’admettre. Et même s’il fournissait un effort de ce côté, c’était pas ce qui l’inquiétait. C’était plutôt l’attitude de Charly qui menait Noam près du précipice. Sous peu, il deviendrait ingérable et une impulsivité qu’il contrôlait jusque-là risquait de surgir. Et se connaissant, Blake savait que c’était l’une des facettes les plus sombres de leurs personnalités. Pourtant, Charly en vient à lui déballer que Noam a perdu sa sœur. Son regard reste ancré au sien. Elle est troublé. Il le sait. Il sent son malaise. Noam a perdu sa sœur, comme il a perdu Boone. Lui non plus ne s’en est pas remis. Il a juste repoussé cette souffrance dans un coin de sa tête et de son cœur. Ses derniers mots auraient pu le faire rire. Réellement. Un vague sourire en coin sarcastique traverse ses traits puis, après avoir balayé la pièce du regard, il remonte les yeux vers elle. « Vous savez… au lieu de donner des conseils, vous feriez mieux de les appliquer. Ça rendrait la vie plus facile autour de vous. Vous voulez mourir, très bien. Mais vous devriez vous faire à l’idée, que Noam risquerait bien de vous prendre de vitesse. Parce qu’il n’est pas dans son état normal et que vous êtes la seule à encore être capable de l’empêcher d’aller jusqu’au bout. »

Charly sait que peu de personnes comprendront sa décision de ne pas se battre. Surtout les personnes qui la connaissent. La jeune Evans a toujours du se battre dans la vie pour obtenir ce qu’elle souhaitait. Ce n’était une surprise pour personne. C’était une battante, mais cette fois, elle avait arrêté de se battre. Elle n’en voyait pas la raison. Elle a perdu sa mère dans un cancer. Elle l’a vu perdre ses cheveux et s’affaiblir jour après jour, à cause de la chimiothérapie. Elle n’avait que 7 ans quand c’était arrivé, mais elle s’en souvenait très bien. C’était le seul souvenir qu’elle avait de sa mère, cette mère fatiguée et alitée. Elle refusait de se battre en vain pour que le dernier souvenir d’elle qu’ait sa fille ne soit que sa vulgaire ombre. Personne ne comprendrait, mais elle savait pourquoi elle le faisait. Elle savait très bien ce que Blake essayait de faire. Elle le savait parce qu’elle faisait la même chose quand elle voulait faire remarquer quelque chose à quelqu’un. « C’est marrant comme vous vous permettez de juger mes décisions alors même que vous êtes trop effrayé de nouer une relation avec votre frère. » Il voulait juger sa vie et ses décisions. Elle pouvait très bien faire la même chose.


Charly détestait les personnes qui se permettaient de la juger. Elle a grandi d’une petite ville. Elle est habituée aux regards désapprobateurs, aux murmures dès qu’elle a le dos tourné. Malgré ses 24 années, elle déteste toujours autant ça. Ca ne l’empêche pourtant pas de juger les autres personnes. D’un seul coup d’œil, elle a vu les failles de Blake. Elle sait qu’il a peur de s’attacher aux gens, qu’ils voyagent à travers les Etats Unis parce que s’accrocher à quelqu’un veut automatiquement dire souffrir. Elle ne sait pas ce qui lui ait arrivé, mais elle sait qu’il a du beaucoup souffrir quand il était plus jeune. Un éclat de rire s’échappe de ses lèvres, bien malgré elle. Il n’admet pas sa relation avec Noam. Il refuse de le considérer comme son frère alors même qu’ils sont jumeaux. Et pourtant il se permet de parler en son nom, comme s’il savait ce que Noam ressentait vraiment. « Mon père l’a fait. Tous les jours, il m’a vu devenir le sosie de ma mère. Je sais que ça a pas été facile pour lui, mais il m’a jamais abandonné. » Elle savait que Noam n’abandonnerait pas leur fille. Du moins, elle comptait sur ce qu’elle ressentait pour sa fille. « Vous pouvez penser qu’il m’aime trop et que c’est pour ça qu’il abandonnera tout pour me rejoindre, mais vous avez tort. Quand on a un enfant, tout change. Vous vous rendez compte qu’il n’y a aucun amour plus fort que celui qu’on ressent pour son enfant. Aucun. »

Elle commençait à devenir réellement agacée par le comportement de Blake. Monsieur pense tout savoir de la vie de Noam. Il doit certainement penser que le jeune Tanner a eu la vie facile. Si seulement, il pouvait savoir à quel point il avait tort et arrêter d’avoir ce comportement agaçant de monsieur je sais tout. « Vous me prenez pour une idiote ? Je connais Noam depuis que je suis en âge de marcher. Je l’ai vu affronter les pires épreuves de sa vie. Je sais quand il se sent désespéré ou non. Mais je vais pas vivre ma vie pour éviter de le faire souffrir. C’est ce que j’ai fait toute ma vie, alors que lui n’en a jamais rien eu à faire. Je ne suis pas la raison qui pousse Noam à être attiré vers le fond. Et même si c’est le cas, j’ai cessé de me sentir coupable il y a bien longtemps. » Toute sa vie, elle avait pris ses décisions en fonction des autres. Et c’était pire depuis que Noam était revenue à Hope Mills. Depuis qu’il lui avait annoncé son alcoolisme, elle était effrayée à l’idée de faire quelque chose qui pourrait le pousser à sombrer de nouveau. Elle avait arrêté de vivre pour elle et avait commencé à vivre pour lui. Elle avait accepté de recommencer leur relation alors même qu’elle ignorait si elle lui avait pardonné son départ. Elle avait sacrifié sa relation avec June de peur de le voir sombrer à nouveau. « Je ne suis plus cette personne. Tout ce que je pourrais faire maintenant, c’est le faire sombrer. Par contre, vous... Vous pouvez l’aider. Peut être que c’est la raison pour laquelle vous vous êtes retrouvé ici. Pour avoir une relation avec Noam et pour l’aider. »

Quelque part, il voudrait lui dire qu’il aurait certainement fait le même choix. Mais peut-il réellement se permettre de le formuler ? Blake n’a – jusqu’à maintenant – pas été touché par la maladie. Non, c’est la mort qui rôde autour de lui. Certain la trouve fascinante mais pas lui. Elle le hante et le torture jusqu’à des heures avancé de la nuit. Parfois, il lui arrive de rester derrière sa fenêtre à attendre le lever du jour. Nouvelle journées, nouveaux problèmes. Bien sur, personne n’est au courant de ce qui le ravage. La mort de ses parents, celle de Boone. Il en souffre au quotidien mais il repousse les fantômes de son passé. Cependant ne croyez pas qu’il accepte leurs morts. Il sait juste qu’un jour la douleuer s’amenuisera. Ça ne serait pas aujourd’hui, ni même demain. Alors peut être que Noam n’entretient pas la même relation avec Charly, que Blake avec les fantômes de son passé mais il ne voudra pas voir ce jumeau devenir celui qu’il est aujourd’hui. Un type froid, glacial, qui n’a confiance en personne et qui est incapable de nouer des relations sans que ses poings y prennent part. Dans un sens, il aimerait que Charly ouvre simplement les yeux et voit que Noam est sa béquille, sa bouée de sauvetage.
Un petit rictus traverse son visage. Elle croit dur comme fer que Blake a peur d’une relation avec Noam. Lui voit plus loin que ça. Noam est ce qu’il aurait pu devenir si on n’avait pas cherché à détruire le garçon qu’il était. Alors non, ça n’est pas de cette relation qu’il a peur. Mais de ce que Noam projette à l’avenir. Car il sait. Mieux que personne. « Vous croyez savoir parce que vous fréquentez Noam depuis toujours. Ça n’est pas tant notre relation qui me pose un problème, mais ce qu’il projette d’en faire. Tout ce que j’vois en tout cas, c’est que ça ne vous dérange de faire subir à votre fille, le même sort que vous avez traversé. Et honnêtement, c’est plutôt égoïste. » Elle penserait ce qu’elle voulait. Blake s’en foutait pas mal. Sauf que Noaly n’avait pas demandé à perdre sa mère. Tout comme Charly n’avait pas demandé à perdre la sienne lorsqu’elle était enfant. Dans le fond, ce qui l’agaçait prodigieusement c’est que c’était volontaire chez la jeune Evans. Elle était juste prête à mourir et à abandonner sa fille. Car aux yeux de Blake, il n’y avait pas pire souffrance que celle de grandir sans l’un de ses parents pour le guider.

C’était bien la première fois que Blake faisait preuve de solidarité envers son jumeau. Ils ne se parlaient pas. S’évitaient soigneusement depuis des semaines. Ceci dit, ça n’a pas empêché Blake d’apprendre à connaître ce frère qui l’agace. Le problème ne vient pas du fait qu’ils soient jumeaux. Ça, il aurait tout aussi bien, pu s’y faire et accepter Noam comme il se devait. Mais c’était plutôt de voir ses propres faiblesses à travers ce frère. Ils étaient pareils sur beaucoup trop de points. Ainsi, il pouvait anticiper les réactions de Noam. Il était trop sensible et réagissait top impulsivement. A croire que Charly l’ignorait, alors qu’elle le fréquentait depuis toujours. Blake prenait soin de ne pas se sentir concerné par les réactions de la brune mais il savait que dans le fond, Noam fera forcément une connerie. Parce que lorsqu’on souffre, il devient difficile de repousser toutes ses pensées négatives qui traversent notre esprit. On perd en lucidité et objectivité. Noam ne ferait pas exception à la règle. « Un enfant change tout, c’est vrai… il a changé pour vous, et pour votre fille. » lui rappelle-t-il alors qu’à son arrivée Noam était encore plus sombre et dépendait de l’alcool. C’était des détails qu’il n’était pas censé connaître. Mais les secrets des petites villes sont bien souvent dévoilés au moment inopportun. « Il a fait des efforts et quelle récompense il a en retour ? Votre mort. C’est clair qu’avec ça, y’a de quoi faire la fête et sabrer le champagne ! » enchaine-t-il toujours aussi cynique. « que ça soit aujourd’hui, demain ou dans 20 ans, il préfèrera mourir plutôt que d’affronter votre mort. C’est en lui. Alors si vous voulez le voir vivre, il n’y a qu’une seule option. » Déclare-t-il en levant son verre à ses lèvres. Blake sait que Charly ne le portera jamais dans son cœur. Parce qu’il dit les choses telles qu’elles sont. Parce qu’il ne fait pas dans la fioriture et qu’en général ça lui porte préjudice. Mais aujourd’hui il s’en moque. Il espère juste que ça fera un peu réfléchir la jeune Evans. Quant à Noam, il craint que la mauvaise nouvelle arrive sous peu. Et à juste titre.

Parce qu’elle le connait depuis toujours et que lui depuis seulement quelque mois, elle croit tout savoir de Noam. Sait-elle combien, il pourrait devenir l’ombre de lui-même, si jamais il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment ? Elle le connait, c’est vrai. Elle connait le père de sa fille et le petit ami qu’il a été. Mais sait-elle qu’il n’a jamais pu remettre les pieds dans un cimetière, qu’il reste parfois des heures dans sa voiture parce que c’est l’unique endroit où il se sent en sécurité ? Sait-elle qu’il vient tous les jours au Catalyst et qu’il reste planté devant un verre d’alcool ? Elle prétendait le connaitre mais il y aurait toujours des zones d’ombre qu’elle ignorerait. Noam est plus ravagé qu’elle ne peut se l’imaginer et ça, Blake a pu le voir. Il était dans les loges le jour où il a failli vider ce verre. Sans Sara, il l’aurait fait. Elle était peut-être là pour lui, ce jour précis mais pour ceux qui viendront rien n’était sûr. « Vous savez quoi ? C’est vous la lâche dans cette histoire. Il a donné sa vie pour votre fille. Il s’est soigné… il a pris sur lui. Et pourtant, vous êtes celle qui va le détruire. C’est surement la preuve que Noam n’a jamais rien signifier pour vous. » C’était dit. Peu importe sa réaction, Blake s’en moquait. Il en avait marre de voir cette attitude chez la jeune Evans. Parce qu’elle était malade, elle devait mourir. « Vous avez intérêt à savoir c’que vous faites… parce qu’à ce rythme, votre fille va finir en orphelinat et ça sera pas beau à voir. » Elle croyait réellement que Noam était le genre de type qui ne prêtait pas attention à celle des autres. « C’est bien pour vous de croire ce mensonge. Ça doit vous rassurer. Surtout quand on sait qu’à la mort de votre père, il était ici et que presque toute la ville l’a vu… sauf vous. » Blake et Noam avaient de nombreux défauts mais surement pas celui de se moquer d’une personne qu’ils aiment. Elle pensait sérieusement que Noam s’était moqué de toutes les décisions qu’elle avait prises en fonction de lui. Elle avait tort sur toute la ligne. Noam serait resté près d’elle, peu important ses choix. Que fallait-il faire pour qu’elle ouvre les yeux ? Qu’il se marie et fonde une famille avec une autre que celle qu’il aime au plus profond de son cœur. Car il ne faut pas être un génie pour voir qu’aux yeux de Noam, il n’existe qu’une seule femme pour lui. Et ça Charly ferait bien de s’y faire avant de se retrouver devant la sépulture du jeune Tanner. « Il aime profondément votre fille. Mais sans vous… La première fois qu’on s’est rencontré, c’était y’a trois ans. Lynn venait de mourir… » S’arrête-t-il un instant, alors que les souvenirs affluaient. « Il était dévasté mais pas uniquement parce qu’il avait perdu sa sœur… mais parce qu’après tout ce qu’il a appris sur sa vie, vous ne le regarderiez plus de la même façon. Le week end où Lynn est morte, il avait prévu de vous faire sa demande. C’est pas l’attitude d’un type qui se moque des décisions de ceux qui lui sont proches. Il n’y a qu’une personne profondément lié à lui qui peut le sauver. Pas moi… mais vous oui. »

Charly n’était pas le genre de personnes qui savait garder son calme. Combien de fois c’était elle énervé face à des injustices ? Elle n’avait pas l’impression d’être face à une injustice quand elle parlait à Blake, mais c’est pas pour autant qu’elle arriverait à garder son calme. Il commençait à l’agacer avec son genre monsieur je sais tout. Il ne connaissait pas Charly et il connaissait encore moins sa vie. Pourtant ça ne l’empêchait pas de la juger, comme s’il avait toujours été près de Charly. Comme s’il avait été à ses côtés quand elle avait compris ce que la mort était. Il n’était pas là quand elle a perdu son innocence à 7 ans, quand toutes les nuits, elle se réveillait pour s’assurer que son père était encore en vie. Il n’était pas là quand elle a perdu Lynn et encore une fois, il n’était pas là quand elle avait vu son père rendre son dernier souffle. « Vous pouvez penser que je suis égoïste, je m’en moque. Je sais ce que je fais et si vous croyez que j’ai l’intention de partir sans penser à ma fille, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Tout ce que je fais, c’est pour elle. J’ai vu ma mère perdre toutes ses forces. Le seul souvenir que j’ai de ma mère c’est elle chauve dans son lit sans aucune énergie. Elle était tellement malade qu’elle ne faisait que vomir à longueur de journée ou dormir. Je me souviens pas d’avoir jouer avec elle. Je me souviens pas l’avoir entendu me lire une histoire. Je me souviens juste de ma mère malade. Vous pensez que je suis égoïste, jugez moi. Ce cancer est plus fort que moi. Il l’a toujours été. Ma fille n’aura pas à se souvenir de moi malade. Elle pourra croire que je suis décédée paisiblement et que j’ai pas souffert. Elle saura que jusqu’à mon dernier souffle, je l’ai aimé plus que tout au monde. Et oui, ce sera pas facile tous les jours. Mais qu’est ce qui est mieux ? Apprendre à grandir sans une mère ou voir la sienne mourir ? » Charly était convaincu qu’elle prenait la bonne décision en laissant ce cancer la battre. Elle n’avait aucune chance contre lui. La victoire était perdue d’avance. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était rendre le monde meilleur pour sa fille.

Elle trouvait ça marrant la façon dont il avait de protéger Noam alors qu’il n’arrêtait pas de dire qu’il ne voulait rien avoir à faire avec le jeune Tanner. Paradoxal non ? Peut être qu’ils devraient créer une ligue contre la jolie brune. Elle était convaincue qu’ils arriveraient à s’entendre. C’était une idée à creuser. Elle l’a nota mentalement. Son plan pourrait fonctionner à merveille si elle arrivait à créer un lien entre les deux jumeaux. Tant pis si pour ça, les deux devaient la haire. Elle croisa ses bras sur sa poitrine comme pour se protéger des attaques que lui lançait le frère jumeau de Noam. Elle avait conscience qu’il avait changé pour elle et pour Noaly. Elle acquiesça, mais ne releva pas. Qu’est ce qu’elle devait dire ? Que lui aussi avait changé pour lui ? Qu’elle avait tellement changé qu’elle ne savait plus qui elle était ? Un léger rictus s’échappa de ses lèvres. Cette situation était ridicule. Tout le monde prenait partie pour Noam. Les gens oubliaient peut être vite ce qu’il lui avait fait subir. « C’est ce que vous croyez, mais c’est pas la vérité. Il a perdu Lynn et il est encore là. Et je sais qu’une fois que je ne serais plus là, il vivra. Vous voulez savoir comment je le sais ? Quand il est parti, j’ai cru que je l’avais perdu pour toujours. J’avais plus aucune raison de vivre sans lui. J’ai pensé que ce serait plus facile si j’abandonnais et que je rejoignais Lynn. Mais cette merveilleuse petite chose grandissait en moi. Noam n’abandonnera pas parce que peu importe à quel point, je suis importante pour lui, notre fille le sera toujours plus. Elle arrivera toujours à lui redonner espoir. » Elle ne s’était pas rendu compte qu’en parlant, sa main s’était posée sur son ventre comme à chaque fois que Noaly s’était manifesté dans son ventre. En perdant Lynn puis Noam, Charly avait cru tout perdre. Sa fille lui avait redonné l’espoir. La première fois qu’elle avait pu voir son petit ange, elle s’était perdue dans ses yeux et l’avait admiré pendant des heures. Elle avait oublié Lynn, Noam et la vie qui ne cessait de jouer ses tours. Elle avait vu toute l’innocence que sa petite fille détenait et elle avait su que pour une fois dans sa vie, elle avait atteint la perfection. C’est pour ça qu’elle n’était pas inquiète pour Noam. Si elle avait pu survivre à sa perte, il survivrait à la sienne grâce à leur fille.

Cette conversation devenait de plus en plus dangereuse au fil des minutes. Des vérités étaient dites, les même que Charly ne voulait pas entendre. Ses nerfs commençaient doucement à lâcher. Il se permettait de la juger et de défendre Noam, comme si tout était de sa faute, mais il semblait ignorer que s’ils en étaient là aujourd’hui, c’était de sa faute. C’est lui qui avait été lâche et qui avait décidé de quitter la ville, sans donner de nouvelles à personne. C’est lui qui l’avait forcé à passer des nuits entières à appeler tous les hôpitaux des environs et tous ceux des grandes villes pour savoir si un Noam Tanner avait été admis. Blake pouvait penser ce qu’il voulait d’elle, mais elle savait ce qui s’était passé durant les deux années où il avait disparu. Les habitants d’Hope Mills pensaient qu’elle s’en était remise, que les blessures c’étaient enfin refermés, mais c’était faux. Elles étaient toujours béante et à chaque fois qu’elle croisait le regard de Noam, c’est comme s’il prenait un malin plaisir à mettre du sel dessus. Elle n’avait rien oublié. Elle était plus brisée que ce que son sourire voulait laisser croire. Elle souffrait chaque jour de voir ce Noam qu’elle ne connaissait pas. Mais elle était passée outre et lui avait pardonné ses erreurs. C’est peut être la preuve que Noam n’a jamais rien signifié pour vous. Sans même s’en rendre compte, sa main s’écrasa sur la joue de Blake.« Vous pouvez juger ma vie, mes choix autant que vous voulez, mais ne jugez jamais ce que je ressens ou ce que j’ai pu ressentir pour Noam. Contrairement à ce que vous semblez penser, vous ne me connaissez pas. Vous connaissez absolument rien de la relation que j’entretiens avec Noam. » cracha-t-elle. Il ne connaissait pas le couple que formait Charly et Noam. Peu de personnes à vrai dire connaissait Noam et Charly, en tant que couple. Ils n’avaient jamais été très démonstratif en public, mais leur relation était plus profonde que la plupart des amours d’adolescents. Peut être que dans une autre vie, ils auraient été des âmes sœurs. Peut être que dans une autre vie, ils auraient pu avoir la fin heureuse que les deux avaient tant voulu. Mais trop de mal avait été fait pour qu’ils l’obtiennent un jour. Elle releva la tête rapidement à sa phrase suivante. Noam était là quand son père est mort ? Ca devait être une mauvaise blague qu’on lui faisait. C’était impossible. Il n’avait pas pu être là. Elle l’aurait vu. Il serait venu la voir. Il aurait fait quelque chose pour lui prouver qu’il allait bien. Elle tenta de ne rien laisser transparaitre, mais cette révélation la bouleversait de l’intérieur. Ca allait à l’encontre de tout ce qu’elle lui avait reproché.

Elle le laissa continuer. Elle le laissa lui dire que Noam avait eu l’intention de la demander en mariage. Elle eut envie de rétorquer qu’elle était au courant et que ce même weekend, elle avait prévu de lui annoncer sa grossesse, que tout aurait été différent si Lynn n’était pas morte. Mais il ne lui en laissa pas le temps. « Je peux pas le sauver. » cria-t-elle. Ses mains se mirent à trembler et elle essaya de retenir les larmes qui tenter de couler le long de ses joues. « Je peux pas le sauver. » répéta-t-elle, dans un murmure. Tout le monde pensait que Charly était la réponse à tous les problèmes de Noam, que seule elle pouvait le sauver. Mais tout le monde avait tort, elle ne faisait que le faire souffrir. Elle n’était plus la réponse à ses problèmes. Elle en était la cause. Quelque part, les deux s’étaient perdus. Ils avaient arrêté d’être des âmes sœurs pour devenir de parfaits étrangers l’un pour l’autre. « Je peux pas le sauver. A chaque fois que je le vois, j’ai peur d’aggraver les choses. J’ai peur de dire quelque chose qu’il le détruira une bonne fois pour toute. J’ai peur de vivre quand je suis près de lui. Je peux pas le sauver. Il était censé me sauver, mais il m’a détruite. » Elle effaça une larme qui coulait le long de sa joue. « Il...Quand il est parti, il a prit une partie de moi que j’ai jamais retrouvé. J’aime pas la personne qu’il m’a fait devenir. Je peux pas le sauver, parce qu’à chaque fois que je le vois, je veux l’aider mais je peux pas empêcher cette petite voix qui me dit de le faire souffrir comme il l’a fait avec moi. » avoua-t-elle dans un souffle. Elle avait préféré rompre plutôt que de le faire souffrir, parce que peu importe ce que lui ou Noam pouvait penser, elle avait toujours agi pour lui.

En se penchant sur leurs vies, on pourrait découvrir que tous les deux ont vécu les mêmes drames mais que chacun les a accepté différemment. La preuve en est l’attitude de Charly face à la mort. Alors qu’elle trouve inutile de se battre, Blake pense tout le contraire. Justement parce qu’il y a Noaly. L’une pense que sa fille n’aura aucun souvenir d’elle et donc qu’elle en souffrira moins. Alors que Blake lui, sait que Noaly souffrira encore plus de ne pas avoir connu sa mère. D’autres questions l’obsèderont. Peu importe l’héritage que lui laissera Charly, elle marquera sa fille à vie. Elle souffrira à chaque fois qu’elle verra un enfant avec sa mère. A chaque fois, elle se demandera si sa mère est fière d’elle ou si elle fait le bon choix. Si sa mère l’a aimé. Et surtout elle ne comprendra pas pourquoi sa mère ne s’est pas battue. Blake sait que cette gamine souffrira de ne pas avoir de souvenir commun avec Charly et sur ce point de vue, il la trouve réellement égoïste. D’autant plus que l’état de Charly n’est pas exactement comparable avec celui de sa mère près de 20 ans plus tôt. Le fait que la jeune Evans s’emporte ne dérange pas Blake réellement. Parce que le fait qu’elle s’emporte est justement la preuve qu’elle n’est pas aussi sereine qu’elle veut le faire croire. Le doute subsiste toujours. Lui, le sait mieux que personne. Le doute peut devenir obsédant, à vous faire perdre le sommeil. « Vous avez le souvenir d’une mère malade… d’une mère malade qui aurait donné sa vie pour vous ! Une mère qui vous aime, BON DIEU ! Vous vous rendez pas compte qu’en refusant de vous battre, c’est Noaly qui en paiera les pots cassé ? Elle ne saura jamais si vous êtes fière d’elle. Elle ne saura pas à quel point vous l’aimez. Vous ne serez là à aucun de ses anniversaires, encore moins à son mariage ! Et vous savez que même si Noam fera de son mieux, il ne pourra JAMAIS remplacer sa mère ! » Dieu qu’elle était agaçante. Elle avait grandi et s’était forgé sans sa mère mais elle l’avait connu ! Elle ne se rendait même pas compte que Noaly n’aurait personne à qui rapporter le cadeau de fête des mères de l’école ! Se laisser mourir était réellement la meilleure solution. Car elle détruisait sa fille avant même que la petite fille puisse lui dire son premier « je t’aime. » Charly n’avait qu’un caractère de cochon, incapable de donner à sa fille la seule chose qu’elle réclame, sa mère.

Il ne supportait pas Noam. Blake avait ses raisons pour ça. Qu’il découvre avoir un jumeau ne lui a pas plu. D’ailleurs Noam était tellement bourré à leur première rencontre qu’il ne s’en rappelle pas. Détail que Blake ne répètera surement pas à Noam. Ceci dit, même si ça ne lui plait pas, il a toujours eu un œil sur lui. Parce que le type qu’il avait rencontré lui a rappelé de très mauvais souvenir. Celui qu’il fut à la mort de Boone. Il n’était que l’ombre de lui-même et enchainait les conneries. Alors oui, Blake parle de ce qu’il sait. Noam et lui sont certes, différent, mais dans le fond il pense sincèrement que Noam est bien plus fragile émotionnellement que peut le présager Charly. Le fait que Noaly soit là, est celle qui sauvera Noam ? Blake est loin d’en être aussi certain. Il voit Noam régulièrement se battre contre sa dépendance. Il lui suffirait d’un seul verre pour que tout parte de travers. Un verre et sa vie n’aurait plus lieu d’être. Un verre et il pourrait perdre sa fille. A croire que Charly ignore combien cette maladie peut ravager et torturer quelqu’un. « C’est vrai. Il voudra se battre pour elle. » Sauf que parfois la volonté ne suffit pas. Lui-même a replongé dans la violence. Il n’en est pas fier mais il se doit de l’admettre. « Vous savez que Noam a un casier ? Si on le choppe avec de l’alcool dans le sang, il perdra Noaly. Ça sera la fin pour lui, si vous n’êtes plus là… » Pour une fois, il n’était pas cinglant mais juste honnête. Parce qu’en dépit de l’étrange relation qu’il entretient avec Noam, le voir souffrir, c’est de la souffrance pour lui-même. Charly ne peut pas comprendre ça. Peu de personnes le peuvent en réalité. C’est propre aux jumeaux. « Vous voulez pas savoir ce qu’il a fait pendant ces années… Je sais que vous pensez sincèrement qu’il s’en sortira. Mais il est instable et vulnérable, Charly. Vous connaissez le Noam qui avec qui vous avez grandi… moi je connais ce Noam obscure et dangereux. Quand on est à bout de force, il est plus facile de se laisser submerger que de se battre… Noam est en équilibre instable entre les deux. » Pourquoi Blake n’avait-il pas sombré ? Parce qu’il avait eu la musique. Parce qu’il avait grandi avec des parents honnêtes et qui lui avait démontré leur amour au fil des années. Alors peut-être a-t-il énormément souffert de leur perte mais il a toujours su qu’ils l’aimaient. Cette notion lui suffisait à se remettre d’aplomb. Quant à Noam, il a grandi entouré par le mensonge et même si ce dernier l’agace, il ne laissera pas son « frère » tomber. Parce qu’il risquait bien de l’entrainer inconsciemment dans sa chute.
Il suivait Charly des yeux, et à ses gestes, il ne remettait pas en doute l’amour qu’elle éprouvait pour Noaly. C’était évident que cette enfant avait empêché Charly de faire des conneries mais celle que risquait de commettre la jeune maman aurait des conséquences sur Noam, lui-même, leur fille et leurs amis. Elle semblait croire que tout le monde s’en sortirait indemne, mais elle avait tort. Parce que déjà, la mort de Lynn avait eu des conséquences pour tout le monde.

Il la poussait à bout et à vrai dire, il s’étonnait qu’elle parvienne autant à se contrôler. D’habitude, au bout de deux minutes les femmes se détourne ou se jette sur lui pour le frapper. Oui, le fait qu’il dise tout haut certaines vérités ou qu’il donne l’impression de juger, a le don de rendre certaines femmes hors d’elle. Alors pourquoi Charly ferait exception à la règle. Elle est sur le point de craquer, il le sent et c’est surement ce dont elle a besoin. Quelqu’un qui ose la mettre en danger. Qui n’a pas peur des mots et qui se moque des répercussions et du quand dira-ton. Il parvient même à son but lorsque la main de la jeune femme s’écrase sur sa joue. Il a un vague rictus aux lèvres. Pas peu fier que son petit manège mène enfin à son but. Il sait bien qu’elle n’aimerait pas se rendre compte qu’il est parvenu à la déstabiliser, mais pour lui c’est un point de gagner. Parce qu’elle est obligée de se relâcher. Il a touché un point sensible. Il détient la preuve même qu’elle tient toujours profondément à lui et que tout son problème se tient là. « Possible. Mais maintenant je sais une chose, c’est que vous avez la main lest et que vous l’aimez toujours, même si vous prétendez le contraire. » finit-il en relevant les yeux vers elle. Il comprend qu’elle souffre. Que toute leur situation soit insupportable et que chacun doive vivre dans la crainte de voir l’autre flancher ou disparaitre. Charly est entouré par la mort – comme lui – depuis son enfance. Elle connait ainsi, le sentiment d’abandon. Lui, il tente d’en faire abstraction. Noam n’en est pas à ce niveau. Etre rejeté lui est insupportable. Toute sa vie, il l’a été. Même si durant 20 ans, il l’a ignoré. Mais Charly a-t-elle simplement conscience de la peur dont souffre Noam ? Car ça n’est pas simplement le fait d’être rejeté par elle qui pose problème au jeune Tanner, mais d’être rejeté par sa famille, sa fille, celle qu’il aime, la société… et c’est cette peur qui peut le mener à franchir certaines limites. C’est justement ce que craint Blake, même s’il ne l’avouera pas.

Lui confier ces détails n’était pas prévu. Parler de l’enterrement, de la visite éclair de Noam. Il l’avait suivi. Blake savait qu’il était présent à l’enterrement, c’était même l’unique exception pour laquelle Noam avait réussi à rentrer dans ce cimetière. Il avait vu Charly entouré de Josh et d’un autre homme. Blake était resté en retrait tandis que Noam suivait la cérémonie sous un arbre à une vingtaine de mètre d’eux. Il n’a jamais été leur parlé. Il a même fait un détour par la stèle de Lynn où il a déposé une broche représentant les ailes d’un ange. Quant à la stèle de Caleb, il avait attendu que tout le monde soit parti pour y laisser l’image plastifié - et un peu corné - d’un père et de sa fille, une photo que lui-même avait prise lors de l’anniversaire de Caleb. Charly n’avait peut-être pas remarqué ces détails et c’était dommage parce que c’était bien la preuve que Noam était venu. Il n’avait pas voulu la déranger et que sa présence la fasse souffrir mais Blake avait vu combien Noam lui, avait été dévasté ce jour-là. Blake avait décidé de ne jamais en parler. Parce que Noam lui ressemblait sur beaucoup de points et que certaines souffrances se portaient mieux lorsqu’elles étaient tues. Finalement, il se rend compte que si Charly est dure envers Noam c’est parce qu’elle l’aime. Surement trop et réciproquement. Noam ne veut pas en rajouter alors il ne doit pas lui parler de ce qui le ronge. Et de son coté, elle a peur de commettre des erreurs qui feront replonger Noam. Bien sûr c’était une éventualité. Mais ils avaient une fille et ce point c’était bien ce qui pourrait tout remettre en cause. Lorsqu’elle lui répète frénétiquement, aux bords des larmes, qu’elle ne peut pas aider Noam. Il comprend qu’elle veut juste se convaincre. Qu’au fond d’elle, elle sait qu’elle est l’unique personne à pouvoir l’aider. Certes Blake ne le convaincrait peut être pas d’aller le voir et de lui parler mais, il pourrait néanmoins la faire douter, et l’obliger à réfléchir. Devant les tremblements de Charly, il hésite et pose finalement ses larges mains calleuses sur les siennes d’un geste rassurant. Il plonge alors ses yeux dans les yeux, dans un regard plus doux, serein et apaisant. « C’est toujours plus facile de suivre sa raison que son cœur… » souffle-t-il, connaissant lui-même ce dilemme depuis trop longtemps. « Vous savez de quoi il a besoin, Charly. Le repousser, c’est synonyme d’abandon pour lui. Je sais bien que vous voulez pas entendre ce discours mais… Il a besoin de votre confiance, de votre amour, que vous soyez là, que lorsqu’il se retourne il puisse s’appuyer sur vous… » Il doutait d’être sur la bonne voie. Car elle pouvait reprendre son contrôle à n’importe quelle seconde. Il fixa un instant les mains encore tremblantes de Charly avant de reprendre. « Dites-lui, ce que vous avez sur le cœur. Soyez honnêtes… le faite pas pour lui mais pour vous. Vous verrez que les choses seront alors différentes. Il ne fuira pas, pas vous. L’espoir ne tient qu’à un détail. Vous avez besoin l’un de l’autre. C’est tellement évident que vous en rendez malheureux presque tout le monde autour de vous sans même le voir… » Il avait bien quelques questions à lui poser. Ce qu’elle lui avait dit le tarabustait. Noam avait emmené une partie d’elle, lorsqu’il était parti. Etrange mais compréhensible. « J’ai une question… S’il s’avérait que vous pouviez retrouver cette partie de vous qu’il vous a arraché… vous envisageriez de suivre un traitement ou une thérapie qui… enfin vous voyez… » Finit-il avec une légère maladresse. Car il ne veut pas qu’elle se sente mal à l’aise de ce qui vient de se produire. Il est touché que finalement, elle en soit venue à lui parler. Même si c’était plutôt à Noam qu’elle devrait se confier ainsi. Néanmoins, il tenterait d’aider la jolie brune même s’il s’avère que leur relation doive en rester là et qu’ils ne soient plus jamais du même avis.