▬ Sara & Noam

Ces derniers temps, il éprouvait la sensation que toute sa vie s’écroulait lentement autour de lui. C’était une impression et pas forcément vrai. Sauf que Noam les enchainait ses derniers temps. Il faisait des efforts pourtant. On ne pouvait pas lui reprocher. Il tentait la patience envers Charly, s’attendait à un revirement de décision mais c’est cette petite voix dans sa tête qui lui rappelait qu’il se fourvoyait. Charly ne reviendrait pas sur sa décision. Elle ne se laisserait pas faire et ça le bouffait. Les seules constantes dans sa vie, ont toujours été Lynn et Charly. Et bien qu’il tentait de se faire à l’idée que sa sœur l’ait abandonné, il n’était pas prêt à le faire avec Charly. Cette maladie n’avait pas à la rongé. Non, elle ne devait pas gagné. Mais pire, il ne se voyait pas continuer.

Joyce était toujours là pour le réconforter, lui dire que tout s’arrangerait avec Evans. Sauf qu’elle ignore encore certaine chose. Comment expliquer qu’il n’arrive pas à la convaincre qu’ensemble, ils peuvent se battre et surtout qu’ils auront la force d’en sortir vainqueur. Il est mêle allé jusqu’à parler à June. Tout ça pour quoi ? Pour elle, mais c’était comme si elle se moquait de lui, de ses sentiments ou qu’elle était inconsciente qu’elle le menait au bord d’un précipice. Noam est fort, c’est toujours ce qu’on disait de lui. Mais beaucoup ignore que sa force, il la tient de Charly. Sans elle, il se morfond et pire, il se laisse sombrer. Ces deux années d’absence lui ont servi de leçons. Il a finit par se reprendre en main et dieu sait que ça n’a pas été une partie de plaisir pour lui. Mais il l’a fait pour elle. Parce que Charly a toujours eu cet effet unique sur lui. Quelle seule est capable de raviver l’espoir dans son cœur. Mais aujourd’hui, il doute sérieusement. Il se demande s’il a bien fait de rentrer. Si son désir de la retrouver n’était pas qu’un rêve irréalisable. Les questions s’enchainent et il songe que finalement, il n’a peut-être plus sa place dans cette ville et surtout dans la vie de celle qu’il aime encore et de celle de leur petite fille.

Il pousse la porte du Catalyst. Des effluves d’alcool, de fumées et de sueur lui enserrent immédiatement la gorge. Il déglutit difficilement. De plus, il risquait même de croiser Blake. Ça serait le pompon. Entre eux, aucune cordialité, juste de la souffrance et des désaccords qui tournent à la violence. Il se souvient parfaitement du crochet du droit de son frère et ça n’a rien de rassurant. Mécaniquement, il s’approche du bar et s’y installe sans vraiment y réfléchir. S’il est venu dans ce lieu, ça n’est que pour une raison. Pour parler. Mais c’est si paradoxal car il sait que la personne à qui il vient parler, ne supporte pas ses amis et particulièrement Charly. Faisait-il le bon choix ?

« - Hey… » souffle-t-il alors qu’elle s’approche de lui. « J’suppose que si j’te demande une bière, tu vas me servir un truc fade et sans alcool… »

Il se déteste d’être si faible. Il s’en veut d’être si vulnérable lorsqu’il s’agit de Charly. Il a grandi avec elle. Il l’a réconforté lorsque sa mère est morte. Noam a toujours tenté d’être son roc. Et ça, avant même qu’il réalise combien la jeune Evans prenait cette place privilégier dans son cœur. On ne pouvait pas dire qu’il avait faillit. Aujourd’hui, il a beau faire des efforts, trouver la raison qui la pousserait à réviser son jugement, il réalise que ça ne serait jamais assez. Il lui avait offert la possibilité d’être une famille. Il aurait fait n’importe quoi pour elle. Même lui décrocher la lune lui aurait semblé naturel. Mais elle ne voulait plus de lui. Pas uniquement comme compagnon. Elle voulait le voir quitter sa vie. Et ça, il ne le digérait pas. Il avait vécu deux années d’enfer. Deux années à se reprocher d’avoir été incapable de sauver Lynn. Et aujourd’hui, il devrait accepter que Charly abandonne le combat également ? Il devrait se faire à l’idée de la voir mourir ?! Aucun être humain ne peut demander une telle chose. Et dans un sens, il voudrait que la vie vienne torturer Charly un peu plus. Qu’elle prenne enfin conscience qu’il n’est pas son ennemi et que la maladie n’est pas forcément destinée à l’emporter entre quatre planches.

Sauf que Charly n’était pas du genre à écouter. Elle ne l’écoutait plus depuis longtemps. Alors se retrouver à son coté se compliquait. Les seuls fois où ils se voyaient, c’était pour Noaly ou encore lorsque toute la bande se réunissait. Et encore parce qu’il arrivait même à Noam, d’éviter certaines soirées. Il n’était pas dans son assiette et l’espace d’un instant, il voulait balayer tout ce qu’elle l’avait obligé à faire. Elle l’avait convaincu de se soigner. Il avait également donné à leur fille le droit de vivre. Il était père. Un sentiment qui surpassait tous les autres. Alors pourquoi, Charly était-elle incapable d’être mère et de donner à leur fille, la plus belle chose au monde ? La possibilité d’un avenir commun. Car si Charly l’acceptait, lui ça n’était pas le cas. Passant la porte du Catalyst, il sait déjà que les gens parlent dans son dos. Cette nouvelle amitié avec Sara n’est pas sans faire des remous dans cette petite ville. Sauf que Noam n’a plus 16 ans et il a mûri. S’installant au bar, la conversation débute sans même un brin d’animosité.

« -Va pour un jus de fruit… » Marmonne-t-il avant de jeter un œil du côté de la scène où il savait que Blake se produisait régulièrement. Il espérait juste que son jumeau ne soit pas dans les parages, car il n’était pas d’humeur à supporter son regard. La question de Sara lui revint et il se pinça les lèvres. « Parfois j’me dis que si j’disparaissais, ça rendrais service à certaines personnes. Depuis que j’suis revenu tout va de travers… » Et ces derniers temps, l’idée même de replonger lui effleurait constamment l’esprit.

• Les odeurs d'alcool me caressaient le nez et me faisaient envie. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'avais accepter ce travail de barmaid au moins cela me permettait de battre mes vieux démons tout en me faisant de l'argent, comme à sa grande habitude, le Catalyst était rempli, même complètement surchargé par les minettes en quête d'hommes sur la piste de danse et par les alcooliques accoudés au comptoir pour y déverser leurs malheurs dans leurs verres et dire que j'avais été comme ça même voir pire car moi j'étais affreusement accro à toutes ses cochonneries qui vous tue la santé mais aussi le moral. Avec le recul, je me rendis compte à quel point j'avais été minable durant une période de ma vie en pensant que ces boissons pouvaient me permettre de m'aider face à cette vie merdique que j'avais mener.
  
  Mais c'est dur pour une jeune femme d'être rejetée par la plus populaire bande de Hope Mills et surtout d'avoir été humilié et insulté pendant des années pour mon penchant pour les hommes et mon côté allumeuse mais j'étais jeune et je cherchais l'attention car entre mes parents absents, n'étant jamais là pour moi et la plupart de la population de Hope Mills qui s'était basé sur les dires de la bande à Lynn, je m'étais retrouvée très seule. Je l'étais encore aujourd'hui car les personnes avaient beau vieillir, leurs mentalités loin de là... Ils restaient sur leurs positions en clamant haut et fort que j'étais encore l'allumeuse que j'étais quand j'avais 17-18 ans, moi qui rêvait de pouvoir me poser et reprendre une vie normale, cela semblait avant tout mal parti ici mais je ne baissais pas les bras. Après une longue absence, je revins à la réalité et vit que plusieurs personnes réclamés de quoi boire, je me pressa de les servir car ils allaient s'énerver et ça allait finir en bagarre collective comme la plupart du temps, tellement ils étaient imbibés par l'alcool...
  
  Je jeta un coup d'oeil à Noam, il voulait un jus de fruits. Malgré tout, j'étais fière de moi car c'était mon filleul et je jouais plutôt bien le rôle de marraine même si c'était Noam. Heureusement, c'était peut-être l'un des seuls qui avait effacé le passé et essayer de me voir telle que j'étais aujourd'hui c'est-à-dire une jeune femme posée et sérieuse, loin de l'image que j'avais quand j'étais plus jeune et cela me réconfortait de savoir que des personnes pouvaient faire la part des choses entre le passé et actuellement. Je me dirigea vers le frigo et sorti une bouteille de jus d'orange, habituellement je m'en servais pour les vodka-orange mais là, elle servirait à un jus d'orange!
  
  "Tiens voilà, régale-toi" dis-je avec un sourire, je savais à quel point c'était compliqué de résister à une envie d'alcool mais on devait battre ses envies afin d'être des meilleures personnes ou en tout cas, ne plus être des alcooliques dépendant de leurs bouteilles... Je le vis regarder la scène où Blake se produisait, heureusement pour eux-deux, il ne jouait pas aujourd'hui sinon il aurait fallu appeler la sécurité, c'est fou à quel point ils ne peuvent pas se supporter...
  
  "T'a déjà disparu pendant de nombreuses années et cela n'a rendu service à personne! Oui peut-être, mais il faut du temps pour que tout rentre dans l'ordre si cela est possible, regarde-moi, ça fait des mois que je suis revenue et les personnes ne changent pas d'avis sur moi, ce qui ne m'empêche pas d'avancer! Je ne sais pas ce qui cloche mais je suis sûre que tout va rentrer dans l'ordre"
  
  Il est vrai que personne ne m'avait facilité la vie depuis que j'étais revenue à Hope Mills, toujours devoir démontrer que j'avais changé et même si je le faisais, 90% des personnes ne me croyait pas mais je devais quand même me battre pour remonter la pente et qu'un jour tout cela change...

Au Bones, au Catalyst, la tentation était ultime. Rechuter pouvait m’arriver à n’importe quel instant. Il était même étonnant que je puisse encore tenir depuis que Charly m’a largué. Je n’en parle pas mais cette situation m’oppresse et me rend dingue. Va-t-elle songer un jour à faire machine arrière ? Se prendre en main et décider de se soigner ? Le dire aux autres ? En fait plus j’y pense, plus je crois qu’elle ne le fera pas. Elle brisera la vie de nous tous. A croire que la mort de Lynn n’a pas suffi. Non, la mort de Lynn n’a strictement servi à rien. Charly est prête à gâcher la seule chance qui lui reste de passer du temps avec Noaly. Pas moi, puisqu’apparemment je n’étais plus rien pour elle. Si ça n’est qu’un fardeau dans sa vie. Et pourtant, on avait eu cette enfant ensemble. Noaly est la plus belle chose qui peut nous réunir. Sauf qu’elle n’en fait rien. Elle ne voit même pas que c’est sa fille qu’elle va briser. Qu’elle rendra comme elle. Ma fille ne grandira pas avec sa mère et ça me donne envier de tout envoyer valser. Pourquoi lorsque je lui propose mon aide, elle me repousse ? J’arrive pas à comprendre, elle attend quoi ? Que la mort vienne la chercher ? Pourquoi il lui est impossible d’envisager qu’elle n’a pas le même destin que sa mère ? Qu’elle peut guérir et éloigner la maladie une bonne fois pour toute !

En passant les portes du Catalyst, j’ai conscience que quiconque me verrait, il se poserait des tonnes de questions. Aidan, Josh, Casey, Joyce et Charly. Quoiqu’avec Charly, je ne sais pas. Je ne sais plus. C’est à peine si on arrive à échanger deux mots ces derniers temps. Les rares fois où l’on se voit, c’est pour Noaly. Je l’évite et elle sait pourquoi. Parce que pour elle, je mettrais ma vie en suspens. Parfois ça m’inquiète, je l’aime démesurément. Je suis incapable de rester sans rien faire. Encore ce matin, je suis resté devant la maison, jusqu’à ce qu’elle aille au Bones. C’est si stupide de ma part. Tout ça, pour la voir. M’assurer qu’elle va encore suffisamment bien. Surement aussi pour la protéger. Elle n’a pas conscience que cette distance me tue. Chacun de ses pas qui m’éloigne d’elle, me donne envie de me rapprocher. C’est en totale opposition mais je n’arrive pas à envisager la suite autrement. Je ne veux pas de cette vie sans elle. Je ne veux pas voir ma fille grandir et devoir répondre aux questions concernant Charly. Je veux qu’elle soit là. Qu’on ait notre chance, qu’on rebâtisse ce qu’on avait. Qu’elle s’ouvre à moi. Mais surtout qu’elle cesse d’ignorer son état.

Sara. Un nom qui des années plus tôt la faisait sortir de ses gonds. Je ne pense pas que les choses aient changés entre elles. Et à vrai dire, ça pourrait m’arranger. Peut-être qu’elle finira par me détester ou qu’elle prendra conscience qu’elle tient toujours à moi. Enfin j’aimerais. Le problème c’est qu’elle sait que je l’aime et que je ferais n’importe quoi pour elle. Le problème doit être là. Mon incapacité à lui refuser quoi que ce soit. Surtout depuis mon retour. La discussion s’entame avec Sara mais c’est comme si j’étais ailleurs. Ici, je sais que j’ai du soutien. Sara ne me laissera pas tomber. Parce qu’elle et moi sommes dans la même galère. Etre dépendant de l’alcool, ça n’a rien d’une sinécure. C’est un combat au quotidien. Aussi intense que celui de vaincre la maladie. L’alcoolisme est une maladie mais si on s’y prend correctement on peut en sortir. Et je le fais. Toujours pour les mêmes personnes. La même personne qui me rejette. ET si là, avait été ma connerie. Peut-être que je ne suis pas fait pour résister, mais uniquement finir ma vie comme je l’avais commencé lorsque Lynn a disparu. Elle dépose un jus de fruit devant moi. Ça n’est pas ce qui apaisera ma soif. Je jette un œil en direction de la scène, est-il dans le coin ?

« - Il est là ? » ma question n’est que rhétorique. Qu’est-ce que cette réponse m’apportera ? Il y a ce fossé entre Blake et moi. Parfois, j’ai l’impression de savoir et la seconde suivante, c’est comme s’il était un inconnu. A chaque fois, je me prends un mur à la vitesse de la lumière. J’aimerais juste comprendre. Savoir pourquoi, il semble autant m’en vouloir. Mais il n’y a rien à en tirer. Le pire dans l’histoire c’est qu’on est censés être les personnes les plus proches qui puissent exister. Un monde nous sépare, et ça ne m’aide pas à aller mieux.

Finalement, Sara me fait revenir sur terre en répondant à mes propos. Je suis loin d’être positif. J’ai envie de disparaitre à nouveau. De m’évanouir dans la nature mais il y a Noaly. C’est ce qui me fait flancher. Parce que j’ai déjà donné ma vie pour elle. Et je le referais sans une seule hésitation. Et j’ai une trouille bleue du jour où l’on viendra m’annoncer que Charly a rejoint Lynn. Personne n’a idée de la souffrance qui m’habitera. Et si je retombais dans cet univers sombre qui m’avait déjà attiré vers le bas ? « Ça n’a rendu service à personne ? Vraiment ?! » Répétais-je avant de secouer la tête, le regard perdu en direction de la scène. « Elle s’en fout pas mal que j’sois ici. J’crèverais dans un caniveau que ça lui ferait pas plus d’effet. » J’étais amer. Je ne pouvais pas être autrement. Quiconque à ma place n’aurait pas le cœur à faire la fête. Sauf que personne n’était à ma place. « Si y’avait pas Noaly… j’aurais fait les choses différemment. » C’était le plus dur à reconnaitre. Parce que c’était sa fille. Sa chair et son sang, même si elle était le portrait craché de Charly. Sans elle, il aurait testé ses limites. Fait le dernier pas qui l’aurait mené, là où la vie n’était plus.

Bien souvent, ses derniers temps, j’me dis que si j’pouvais revenir en arrière, j’aurais peut-être l’occasion de faire les choses différemment. Que ça soit pour Lynn, pour Charly, pour Noaly, pour Reese. L’image qu’on a de moi, dissimule ma vraie nature. Si on s’en tient aux apparences, j’ai une vie rêvé. Sauf que le rêve a un prix. Et tant qu’on ne l’a pas payé de sa vie, on n’a pas idée de ce que c’est. Aujourd’hui, je sais que toute mon existence était basée sur un mensonge. La seule chose de vraie était ma relation avec Charly et Lynn et mes amis. En ce qui concerne les Tanner, j’ai fait une croix sur eux, ce jour à l’hôpital. J’ai vu toute ma vie s’écrouler autour de moi, sans savoir à qui je pouvais réellement me raccrocher. Encore aujourd’hui je me pose la question. Parce que beaucoup trop de personnes ignorent encore ce que je peux traverser. Charly est censée être celle qui me comprend et pourtant, on n’a jamais été aussi éloigné que ces derniers temps. Elle a fait une croix sur nous. On s’évite bien que je sache que ça ne résoudra rien. Un jour où l’autre, il nous faudra le courage d’affronter cette situation. Peut-être pas pour nous mais pour l’unique personne qui mérite notre attention, notre fille.

Au Catalyst, j’affronte mes peurs, ma résistance, mon frère mais également, je sais que j’ai au moins une personne qui peut se soucier de ce qui se passe dans ma tête. A l’époque du lycée, je n’aurais jamais imaginé que Sara figurerait parmi mes alliées dans ma vie actuelle. Tout le monde dans cette ville la connait et se souvient d’elle. Les erreurs du passé, c’est le genre de chose qui reste ancrés dans la mémoire des gens. Je le sais pour le vivre. Ainsi, Sara ne pourra jamais vivre avec l’auréole d’un ange ici, tout comme moi on se souviendra de ma fuite à la mort de Lynn. Mais tout le monde ignore ce qui m’a motivé à fuir. S’il n’y avait que Lynn, je crois que j’aurais pu rester mais affronter les Tanner au quotidien c’était trop. Trop pour moi, à ce moment précis. Et aujourd’hui m’en suis-je remis ? Avais-je trouvé les réponses aux questions que je posais ? Savais-je qui je suis ? Je ne pourrais pas l’affirmer. Ni même assurer d’avoir toutes les réponses mais je sais que certaines mettront un certain temps avant d’arriver. Sa remarque vis-à-vis de Blake me fait hausser les épaules. « C’est pas comme si on se détestait. » C’était plus compliqué que ça. Parce qu’on se comprenait. Du moins d’une façon que personne d’autre que nous, peut comprendre. C’était subtil, par un regard, une seconde d’attention et puis bien souvent, c’était notre souffrance enfouie qui guidaient nos actes. On ne se battait pas par envie mais parce qu’on combattait l’attachement qui se révélait sous nos yeux. C’était bien loin d’être le genre de sentiment facile à gérer. Surtout lorsqu’on découvre enfin la part de nous, qui nous manquait depuis plus de vingt ans. « Je sais ce qui pense et comment il le fait… tout comme lui fait la même chose me concernant… » Je ne savais pas si avait vraiment un sens aux yeux de Sara mais pour moi c’était clair. Je ne dis pas qu’un jour on ne sera pas capable de communiquer. Peut-être nous faudra-t-il du temps ensemble. Juste lui et moi, sans personne d’autre. Ou alors une situation critique. Enfin ça reste compliquer à expliquer.

Via mes propos, elle sait que je parle de Charly. Que rien ne va et que rien n’ira mieux tant que je ne serais pas parvenu à la faire changer d’avis. Car il s’agit de ça. Elle a beau tout faire pour le cacher mais la vérité finira par éclater. Encore plus dans une ville comme celle-ci ou les secrets font le tour de la ville en une poignée de minutes. Elle sait que je l’aime et que je la ferais toujours passer en premier. Si les propos de Sara devraient me rassurer ça n’était pas le cas. Parce que personne n’avait vu le regard de Charly, le jour où elle m’avait dit ne plus rien éprouver. C’était le sol qui s’ouvrait sous mes pieds. Elle était tout pour moi et pourtant, elle avait choisi de vivre dans l’ignorance. Sauf que moi, je n’imaginais pas cette existence sans elle. Pas après ces deux années et avoir finalement choisi de revenir, pour elle et pour Noaly. « Je suis plus rien pour elle. Juste le père de Noaly… parce qu’elle n’a pas d’autre choix que de l’admettre… »

Elle me tuait. Charly me pensait suffisamment fort pour supporter notre situation, notre rupture. Mais rien ne garantissait que j’aie les épaules pour supporter une vie sans elle. Une existence où elle ne sera pas autour de moi. Tout le monde n’a pas connu ça. La personne la plus importante de votre existence. Celle qui vous donne des ailes à travers un regard, celle qui vous promet que tout ira bien à travers un baiser, celle qui vous jure qu’elle vous accompagnera jusqu’au bout du tunnel, celle qui aidera à devenir meilleur, à vous surpasser. Pour moi, c’était elle… et ce, même si elle ne voulait plus de moi. Je ne pouvais pas envisager ma vie sans elle. Sara poursuit et si elle met les mots justes sur Noaly, je ne peux m’empêcher de lui adresser ce regard noir lorsqu’elle me dit que Charly cherche à me protéger.
« Me protéger de quoi au juste ?! Elle croit tout savoir… elle n’envisage même pas l’idée de se battre… elle fait exactement ce qu’a fait Lynn. Elle baisse les bras devant le combat. Elle déclare forfait alors qu’elle a encore toutes ses chances ! Elle est égoïste et ceux qui vont en payer les frais, c’est nous ! Il est hors de questions que ça se produise. Je la laisserais pas faire de mal à Noaly ! » C’était plus fort que moi. Rien que d’envisager l’issue de ce qu’elle avait en tête, ça me rendait furieux. Elle avait souffert de la mort de sa mère et songeait que Noaly ne se souviendrait pas d’elle. Que ça serait pour le mieux. Mais ici, tout le monde se souviendrait d’elle. Ainsi notre fille devrait grandir dans une ville avec le fantôme de sa mère tout au long de sa vie. Ce n’était pas le genre d’héritage qu’on laissait à une enfant. Non, j’étais catégorique. Je la laisserais pas faire. Quitte à ce qu’elle m’en veuille jusqu’à la fin de mes jours. Je devais faire quelque chose. Maintenant, pas dans trois mois, car il serait peut-être trop tard.

J’appréciais le geste de Sara, à vouloir me remonter le moral, m’aider, m’écouter me plaindre, l’affection qu’elle me portait. Je ne dirais pas que j’irais mieux du jour au lendemain mais elle m’empêchait de sombrer et parfois, ça suffisait pour vous empêcher de faire certaine conneries. « C’est pour elle que j’suis encore là. Sans Noaly… tu sais… j’aurais fait d’autres choix… » Déglutis-je lorsqu’elle relâcha notre étreinte. Je levais les yeux vers elle. « Merci… d’être là. »