Encore une matinée bien entamée. Mes joues commencent à me gratter et la fatigue apparait sur mes traits. Je peux le voir en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur de la voiture. A quand remonte ma dernière nuit complète ? Plusieurs semaines maintenant. Une soirée à se produire au Catalyst et des nuits passées confinés dans cette voiture, en bas de la résidence des deux Bishop. C’était devenu une sorte de rituel ses dernières semaines. Pourquoi je le faisais alors que les chances qu’Austin réapparaisse étaient pratiquement nulles ? Parce que malgré mon foutu caractère, je refusais net qu’il les approche. Je n’imaginais même pas à nouveau revoir cette frayeur dans les yeux de Regan. C’était tout bonnement intolérable. Quant à Heaven, je n’arrivais même pas à supporter l’idée même qu’on s’en prenne à un enfant. Je devais reconnaitre, que je n’avais rien du bon samaritain et que moi-même j’avais subi, bien des mauvais traitements dès l’instant où j’avais été placé dans l’un de ses foyers. Etais-je devenu quelqu’un de bon, fiable, honnête ? Je n’en sais fichtrement rien. Sauf une chose, s’attaquer à un enfant c’est vicieux. Surtout pour atteindre une mère. Personne ne pourrait supporter la perte de son enfant d’une façon aussi cruelle. Austin n’est pas seulement un crétin à mes yeux et si j’avais à le croiser dans cette rue, il est clair qu’il n’aurait pas l’occasion de repartir sur ses deux jambes. Je me moquais bien d’être dans un lieu public, que je pourrais être reconnu ou même que je finisse derrière les barreaux. Parce que tout ce qui compte à mes yeux, c’est qu’il ne puisse pas s’en prendre à elles. Une révélation que je n’aimais pas reconnaitre. Je tiens à elles. Plus que je n’aurais cru un jour éprouver pour un être humain. Le regard que Regan porte sur Heaven me rappelle celui de ma mère. Quand à cet étrange tension entre nous, elle me rend mal à l’aise, autant que je suis incapable de m’en passer. Elle m’apaise et me rend fou. Bien que je devrais fuir cette ville, Regan me rappelle que je n’ai pas à fuir et que contrairement à d’autre j’ai toute les raisons de m’établir ici. Pour elles ou pour les autres ? Bien que j’imagine qu’elle doit penser que je le ferais pour les autres, je crois que cette décision je l’ai prise il y a un moment mais pas pour la raison qu’elle imagine.

Au volant de la voiture antique de mon père que je prends généralement un plaisir à rénover lorsque j’en ai le temps j’arrive sur Monterey Avenue. Encore quelques mètres et dans quelques minutes je pourrais m’affaler sur mon lit. Surtout qu’hier, je me suis bien assuré d’avoir mes clés. Pas comme la veille ou j’avais joué les acrobates pour rentrer dans l’appartement. Sauf que je n’ai pas le temps de me garer qu’une secousse, un bruit de tôle me parvient aux oreilles. Je coupe le moteur et rejette ma tête sur l’appui tête. Quel était l’abruti qui n’était pas capable de tenir ses distances de sécurité. J’ai à peine le temps de m’extraire de l’a voiture et de le relever ce regard massacrant que déjà une silhouette familière m’apparait sous les yeux.

« - Bon dieu vous pourriez pas- » ripostais-je en même temps que la jeune femme face à moi. « Les femmes au volant, une vrai calamité ! T’as abîmé ma chérie ! » finis-je alors, sans même me démonter devant elle. Elle n’avait pas sa langue dans sa poche et à force de la voir au Catalyst, je savais bien que d’ici quelque secondes, elle ne tarderait pas à me rétorquer que je n’étais qu’un macho de première.