Un carton. Deux cartons. Trois cartons…. Mon doigt faisait le tour des cartons désormais entreposés dans le salon, pardon notre salon. Dix-neuf cartons ! Bébé, ca fait dix-neuf cartons ! Nos vies respectives se résument à quinze cartons. Et pas des petits ! Ca te fait quand même quinze cartons à toi toute seule. fis-je remarquer à Charly. Ce n’était pas un reproche juste une simple constatation du fossé qui nous séparait. Je n’avais que très peu d’affaires. Pas seulement parce que j’étais un homme et elle une femme et qu’elle avait donc une garde-robe conséquente. Si Charly savait tout le mal que je m’étais donné pour avoir des affaires à ramener chez nous… Je ne voulais pas passer pour le type qui n’avait pas grand-chose à apporter à un foyer. Mais je l’étais. Matériellement, parlant je n’avais pas grand-chose à offrir. Ma vie se résumait à quatre cartons. Deux de fringues – pas vraiment très intéressant. Un carton remplis de livres, très lourd. Et un carton avec une flopée de souvenirs, des affaires appartenant à mon père ou à ma mère pour la plupart. Des photos. Des médailles. Son uniforme. Le genre de chose qu’on mettait au fond du placard et qu’on n’ouvrait jamais, sauf pour se rappeler de quoi il s’agissait. En d’autres termes, je n’avais rien pour décorer notre appartement. J’étais pas le genre de type à apporter un tableau, mais au voyant le mur blanc face à moi, je me demandais si je n’aurais pas dû apporter plus de choses personnelles à ce nouveau foyer. Sauf que voila, pour être honnête, je n’y avais pas pensé. D’ordinaire, ma chambre se résumait à un lit au milieu d’autre lit et à une énorme caisse en fer rassemblant mes affaires. Charly avait déjà vécu avec un autre homme… Un type normal – bien que je ne le porte pas dans mon cœur – est ce qu’il avait amené plus d’affaires, lui ? J’ignorai si c’était normal. Je n’avais jamais vécu avec une femme avant. Je ne savais même pas si j’étais facile à vivre ou non. Je supposais que oui, je savais un peu cuisiner, j’étais plus qu’ordonner, je faisais mon lit au carré chaque matin. Question d’habitude. Mais est-ce que Charly allait supporter tout ça ? Depuis le début de notre histoire, je devais faire avec des sentiments nouveaux pour elle. L’amour que je lui portais un peu plus chaque jour, mais aussi la peur de la perdre et de la décevoir.

Je passais ma main dans ma nuque, et vient rejoindre Charly sur le canapé. Avoir monté tous les cartons avait été exténuant. On avait bien le droit de commencer par une petite pause. Etant donné que j’étais organisé, et que j’avais un peu fais un plan d’attaque pour l’appartement, nous allions gagner du temps. Chaque carton était déjà dans la pièce où il devait être. Il ne restait plus qu’à les ouvrir et décharger, mais cela pouvait bien attendre quelques secondes. Je passais ma main contre la taille de Charly, la rapprochant un peu plus de moi. Je l’embrassai, prenant mon temps pour savourer ses lèvres. Avant de me détacher avec un air malicieux : Tu réalises que c’est notre premier baiser dans notre appartement ? Notre. Appartement. Notre. Chez-nous. Notre. Foyer. J’adore dire ça. Cet emménagement allait me rendre dingue. En même temps, depuis que je la connaissais j’étais raide dingue d’elle ! Je la serrais dans mes bras, tout en esquivant un sourire. Quand je sentais Charly contre moi, je n’avais pas peur de l’avenir avec elle. Bien au contraire. Quand elle était à mes côtés, j’étais confiant. Nous étions amoureux, alors nous avions toutes les raisons de l’être. Mon regard dévia sur les cartons. J’étais trop maniaque pour laisser ça comme ça. Mais je ne voulais pas jouer au Capitaine pour diriger les opérations. Charly n’apprécierait pas que je joue les petits soldats avec elle et dans la sphère privait, je n’étais pas du tout comme ça. Alors l’experte… comment on procède ? Charly avait l’expérience, alors je lui laissais le choix de choisir le premier carton pour déballer des souvenirs poussiéreux.

4 mois. 4 mois pendant lesquelles la vie était devenue plus facile, l’air plus respirable, moins oppressant. Ca faisait 4 mois que Charly reprenait doucement gout à la vie. Sans s’en rendre compte, elle s’était remise à rire, de bon cœur. Elle avait senti son cœur s’emballer à nouveau. Elle s’était surprise à apprécier la présence de Luke, à vouloir en connaitre plus sur son sujet. 4 mois et tout paraissait plus simple à nouveau. Ses amis n’avaient pas compris son intention soudaine de s’installer avec lui mais en la voyant à nouveau si sereine, il s’y était tous fait. Les points sur les hanches, elle regardait l’étendu de ce qui leur restait à faire pour avoir un chez eux douillé et chaleureux. Les meubles étaient installés, il ne leur restait plus qu’à déballer leurs cartons. Se retournant vers Luke, elle lui tira la langue. Oui, elle avait beaucoup d’affaires et encore elle n’avait pris que l’essentiel. Ce déménagement lui avait également permis de faire un tri dans sa vie. Elle pouvait enfin laisser le passé où il était et avancer avec sa vie. « Je suis une fille chéri, ce qui veut dire qu’au moins 7 de ces cartons sont des fringues ou des chaussures. Et j’ai tendance à conserver des trucs inutiles. » marmonna-t-elle en remettant une mèche de cheveux derrière ses oreilles. Si elle avait fait un tri dans sa vie, il y avait certaines choses dont elle n’avait pas pu se séparer. La plupart concernait Lynn, notamment une boite qui contenait tous les mots qu’elles avaient pu s’échanger en cours, des tickets de concert auquel elles avaient assisté. Ce genre de chose qui formait une amitié.

Se laissant tomber sur leur nouveau canapé, Charly observais Luke. Oui ça faisait peut être que 4 mois, mais Charly aimait ce qu’elle voyait. Le futur semblait plus prometteur avec lui. Sa présence l’apaisait un peu plus chaque jour. Emménager avec lui était un bon choix. S’installant à côté d’elle, il s’empara de ses lèvres et Charly ne put empêcher le sourire de se former sur ses lèvres alors qu’elle se rapprochait de lui pour approfondir celui-ci. Elle entoura son cou de ses bras rigolant légèrement à son enthousiasme. « Et il va y avoir de nombreuses autre première fois. » rajouta-t-elle en se mordillant la lèvre, suggestive. Passant une main sur sa joue mal rasé, elle ne put s’empêcher d’avouer, plus sérieuse cette fois : « Je suis vraiment heureuse d’emménager avec toi. » Elle avait besoin de lui dire, besoin qu’il comprenne qu’elle lui était vraiment reconnaissante pour tout ce qu’il avait déjà fait pour elle et tout ce qu’il continuait à faire tous les jours. Elle déposa un baiser sur sa joue avant de se lever. Comment on procède ? Elle se tourna vers lui, un sourire légèrement machiavélique sur les lèvres. « Je sais déjà ce que contient mes cartons alors commençons par les tiens. » Elle enleva le scotch d’un carton qui elle le savait n’était pas le sien. « Tu veux toujours vivre avec moi ? Parce qu’une fois que j’aurais vu ce qui a dedans, y aura plus de retour en arrière possible. »

La répartition des tiroirs, placards entre Charly et moi, ne me faisait absolument pas peur. Je lui laissais tout ce qu’elle voulait. Ce qui allait être chouette avec moi – mis à part le fait, que je me dévouerais pour faire la cuisine, c’est que je n’avais aucune exigence concernant notre vie à deux. J’avais certaines attentes, mais Charly les avait toujours surpassées, en m’offrant bien plus que je ne l’avais espéré le jour de notre rencontre. Matériellement parlant, je n’étais vraiment pas compliqué. Si Charly prenait toute la place alors, mes affaires pourraient rester dans les cartons. Pour moi, cela n’avait pas beaucoup d’importance… J’y ferais probablement une certaine offense, mais la place que j’occupais dans cet appartement n’était pas très importante. La place que j’occupais dans le cœur de Charly me suffisait amplement. « Je suis une fille chéri, ce qui veut dire qu’au moins 7 de ces cartons sont des fringues ou des chaussures. Et j’ai tendance à conserver des trucs inutiles. » Charly était tout l’opposé de moi, je ne conservais rien…. D’un air mi-sérieux, mi-amusé, je traduisis : Ca veut dire, s’il te plait chéri, laisse moi le dressing… ? Comme si je pouvais te dire non à quoi que se soit. Son dressing, un des critères pour notre appartement, elle l’avait, et je le lui laissais bien volontiers. Je n’avais pas assez de fringue pour en remplir un quart ! Et puis, mis à part mon uniforme que je ne voulais absolument pas froisser pour des raisons évidentes. Mes vêtements pouvaient être dans un tiroir, cela ne me posait aucun problème. Contrairement à Charly, je prenais le tee-shirt au dessus de la pile. Et je n’avais aucun cas de conscience à agir ainsi. Comme diraient certains, les hommes et les femmes c’est pas câblé pareil !

Charly entoura sa nuque des mes bras. J’adorais la sensation que me procurait ce simple geste. Cela me donnait l’impression qu’on était fais pour être ensembles. Qui viendrait nous contredire ? Avec elle, je me sentais seul au monde et c’était tout ce que je voulais. « Et il va y avoir de nombreuses autre première fois. » Elle se mordit la lèvre, geste que j’avais déjà vu chez elle et dont je ne me laissais pas. D’humeur coquine, je me penchai vers son oreille pour lui murmurer. Cette première fois là, on l’a déjà fait… Sans rentrer dans les détails, car Charly savait très bien de quoi je parlais. Je n’évoquais pas vraiment cet aspect là de notre vie à deux de manière explicite. Charly se fit plus sérieuse pour m’annoncer : « Je suis vraiment heureuse d’emménager avec toi. » Je hochai la tête, comprenant tout ce que cela signifiait pour elle. Cet aménagement, c’était un renouveau pour elle. J’étais une bouffée d’oxygène dans son monde. Je sentis sa main sur ma joue, mal rasé comme toujours quand j’étais en civil. A l’armée, j’étais rasé de près, et j’avais les cheveux courts. Me laisser pousser la barbe et les cheveux, cela signifiait que j’étais en ‘off’. Je l’aurais fais avec personne d’autre. C’était elle que j’aimais, avec elle que je voulais vivre. Pas une autre. Là-dessus, je n’avais aucun doute. Quatre mois, c’était court, mais en fait, il ne m’avait fallut que quelques secondes pour tomber amoureux de Charly. Le temps d’un regard. Loin de vouloir nier mes sentiments, je ne voulais pas non plus me lancer dans une grande déclaration. Je vivais les choses, je les ressentais et la plupart du temps, j’avais bien du mal à exprimer mes sentiments. Sauf avec Charly. Avec elle, tout semblait si simple.

Alors ce plan de bataille ? « Je sais déjà ce que contient mes cartons alors commençons par les tiens. » Je me mordis les lèvres, je m’étais fais piéger comme un bleu ! Je levai les yeux au ciel. Charly allait vraiment être déçu… Y’avait rien de ce carton. Juste des affaires qui ne m’appartenaient pas, et que je ne pouvais pas jeter. C’était une once de culpabilité qui me retenait, pas l’envie de partager ce genre de truc. Je soupirai, soudainement mal à l’aise. Je restais figé en entendant le bruit du scotch qui se décollait. « Tu veux toujours vivre avec moi ? Parce qu’une fois que j’aurais vu ce qui a dedans, y aura plus de retour en arrière possible. » Je me tournais vers elle, souriant doucement. Elle trouvait toujours les mots justes et je crois qu’elle ne le faisait même pas exprès. C’est marrant, j’allais te dire la même chose. Comme si j’allais la quitter parce qu’elle allait découvrir à quel point ma vie n’était pas très intéressante. Je craignais l’inverse. Un nouveau signe, qu’on s’était bien trouvé. Attends… Je posais mes mains sur les siennes et poursuivis. … Avant de te connaitre, ma vie… c’était l’armée. Je me suis engagé à quatorze ans. Alors… avant toi, la définition du foyer, c’était une caserne. J’ai jamais conservé quoi que se soit, parce qu’au fond, j’avais rien à conserver. J’allais pas au cinéma, je sortais pas avec beaucoup de filles… J’étais plutôt solitaire. Quand tu devais être en train de flirter, moi j’apprenais la rigueur et la discipline. C’est vraiment pas très intéressant… Je grimaçai. C’était embarrassant de ne pas pouvoir raconter sa vie à sa copine, parce qu’il n’y avait rien à raconter. Rien dont je ne me vantais, rien que je ne trouvais passionnant. Mon métier était passionnant, je l’adorais, mais il allait certainement me conduire loin d’ici tôt ou tard. Mais tu sais quoi ? On va faire une boite, avec tous ce qu’on fera ensemble. Les tickets de cinéma, et… je sais pas quoi d’autres ! Qu’est ce qu’on était censé conserver mis à part les tickets de cinéma et quelques factures, peut-être ? C’était pas très romantique les factures. Cette pratique était quand même bizarre. Le papier ca restait pas. Mais si cela faisait plaisir à Charly, pourquoi pas ? Cela ne me coutait pas grand-chose. Mon sourire s’agrandit quelques secondes. Pour ma défense, ma vie est beaucoup plus intéressante depuis je te connais. Après cet aveu, j’aidai Charly à ouvrir ce carton m’appartenait. J’en sortis un vieux gant de base-ball, dont j’avais presque oublié l’existence. Mon père m’avait appris à jouer.. Enfin, je crois. Je m’en souviens pas beaucoup. Mon père était mort quand j’avais dix ans à quelque chose près. Je devrais avoir plus de souvenir, mais… il était toujours en mission à l’autre bout du monde. Je ne l’avais pas connu. Tout ça ce n’était pas très gai. Je passais mon bras autour de la taille de Charly. Nous avions un point en commun dont je me passerais bien : nous avions tous les deux perdus l’un de nos parents quand nous étions très jeunes. Et le deuxième, il y a quatre mois environ…

Emménager avec un homme était une grande étape dans une vie. Emménager avec Luke ne lui faisait pas peur. Ils se connaissaient peut être depuis peu, mais Charly se sentait prête à avancer dans sa vie. Elle était prête à laisser derrière elle son passé. Et Luke lui offrait le nouveau départ qui lui était nécessaire pour s’épanouir à nouveau. « Ca veut dire, s’il te plait chéri, laisse moi le dressing… ? Comme si je pouvais te dire non à quoi que se soit. » Un sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’elle se tournait vers lui. « J’allais pas dire ça, mais c’est bon de savoir que tu peux pas me dire non. »répliqua-t-elle dans un sourire satisfait. A ses côtés, elle se sentait plus légère. Elle se sentait insouciante. Penser à quelle personne allait obtenir le dressing, ou quelle personne allait dormir à droite du lit lui paraissait rafraichissant, comparé à ces derniers mois. Sa vie était devenue plus paisible et elle adorait ça. Elle adorait se lever le matin avec un sourire sur les lèvres. Elle adorait d’ailleurs passer une nuit entière, sans avoir à faire de cauchemars.

S’approchant de Luke, elle entoura sa nuque avant de poser ses lèvres sur les siennes. Contrairement à ce qu’on aurait pu penser, leur relation était devenue naturel très vite. Si au début, elle avait eu du mal à se laisser aller et même si de temps en temps, la peur de le perdre la paralysait totalement, Charly se sentait elle-même à ses côtés. Elle n’avait pas besoin de prétendre être quelqu’un d’autre, parce que Luke connaissait son histoire et l’acceptait malgré toutes ses névroses. Cette première fois là, on l’a déjà fait… Un éclat de rire s’échappa des lèvres de la jolie brune. Même les rires lui venaient naturellement maintenant. « J’ai pas oublié. » murmura-t-elle taquine. Oh ça oui, elle ne risquait pas d’oublier. Tout comme elle ne risquait pas d’oublier à quel point, elle lui était reconnaissante de lui insuffler cette nouvelle fraicheur dans sa vie. Elle ne put d’ailleurs pas s’empêcher de le lui dire. Elle voulait qu’il sache à quel point, elle tient à lui, à défaut de pouvoir encore lui dire les trois autres mots. Je l’aurais fais avec personne d’autre. Le sourire qui illumina le visage de la jolie Evans aurait pu illuminer une vie entière tellement il était brillant. Le rythme de son cœur s’accéléra. Il avait le don pour la rassurer et faire battre son cœur. Suite au départ de Noam, elle avait cru ne jamais ressentir à nouveau quelque chose. Luke lui prouvait tous les jours le contraire.

Il était temps de s’attaquer aux cartons. Ils pourraient passer la journée à s’embrasser ou plus. Ce serait agréable, mais Charly était pressée à l’idée de voir leur appartement terminé et de pouvoir enfin dire qu’ils habitaient ensemble. Et puis il fallait dire qu’avoir ces cartons sous les yeux rendait la jolie brune curieuse. Plus que d’habitude, c’est pour dire. Arrachant le scotch, elle se tourna vers Luke une dernière fois. Elle ne s’était pas attendue à son discours, elle doit l’avouer. C’est marrant, j’allais te dire la même chose. Il l’intrigua et elle lâcha le carton, se relevant. Avant de te connaitre, ma vie… c’était l’armée. Je me suis engagé à quatorze ans. Alors… avant toi, la définition du foyer, c’était une caserne. J’ai jamais conservé quoi que se soit, parce qu’au fond, j’avais rien à conserver. J’allais pas au cinéma, je sortais pas avec beaucoup de filles… J’étais plutôt solitaire. Quand tu devais être en train de flirter, moi j’apprenais la rigueur et la discipline. C’est vraiment pas très intéressant… Elle fronça les sourcils. Elle savait déjà tout ça. Il lui avait parlé de sa carrière de militaire, de sa famille et de son enfance. Elle allait d’ailleurs lui dire mais il continua. Mais tu sais quoi ? On va faire une boite, avec tous ce qu’on fera ensemble. Les tickets de cinéma, et… je sais pas quoi d’autres ! Charly ne put s’empêcher de rire face à son air. S’approchant de lui, elle se mit sur la pointe des pieds pour atteindre sa hauteur, avant de poser ses mains sur ses joues. « Je suis sûre que ta vie est intéressante. Tu dois juste pas t’en rendre compte. Je me moque de savoir si ces cartons sont remplis ou vides. Et personnellement, je trouve le Luke que je connais très intéressant. » Reposant ses pieds au sol, elle ouvrit cette fois le carton pour voir ce qu’il pouvait contenir. Elle voulait tout connaitre de Luke. Elle voulait connaitre son passé, mais elle pouvait comprendre qu’il ne veuille pas en parler. Elle était d’ailleurs la moins bien placé pour le forcer à en parler, elle-même ne voulait pas parler du sien et faisait toujours en sorte de ne pas le mentionner. Pour ma défense, ma vie est beaucoup plus intéressante depuis je te connais. Elle se mordilla la lèvre, ses joues prenant une légère teinte rosée. Elle avait beau lui être reconnaissante de tout ce qu’il faisait pour elle. Elle avait encore du mal à accepter tous les compliments. Elle pensait toujours qu’il méritait mieux qu’une fille comme elle dans sa vie. Il méritait une personne pleine de vie, optimiste et accueillant le futur à bras ouvert, pas une fille blessée comme elle pouvait l’être. Mais égoïstement, elle voulait le garder pour elle. Son bras autour de sa taille, elle posa sa tête sur son épaule, l’écoutant parler de son père. Mon père m’avait appris à jouer... Enfin, je crois. Je m’en souviens pas beaucoup. Elle ne put s’empêcher de penser au sien de père et son cœur se serra. Ca ne faisait que 4 mois. La blessure était encore fraiche. Beaucoup trop fraiche. Dans un murmure, elle demanda tout de même. « Il était comment ton père ? »Elle savait que ça pouvait être douloureux de parler de personnes décédés, mais parfois, ça pouvait faire du bien. Elle n’était pas encore prête à parler de son père, mais avec le temps, elle avait appris à parler de sa mère et des souvenirs qu’elle avait avec elle.

Quand j’étais célibataire, j’étais un de ces gars qui pensaient ne jamais céder de terrain devant une fille. Enfin, c’était juste une fille. Une femme. Une personne du sexe opposée, et elle ne méritait pas de traitement de faveur. Mais depuis que j’étais en couple avec Charly, j’étais beaucoup plus attentif, et conciliant que je l’aurais cru. Je n’étais pas borné, je me fichais de céder du terrain en lui accordant le dressing ou quoi que se soit d’autres. Pour moi ces détails n’étaient pas importants. A dire vrai, je m’en fichais. Et avec Charly, je ne calculais rien. Je ne faisais pas semblant de quoi que se soit avec elle. Je n’avais pas à paraitre, ni à me retenir de dire ce que je pense, ou à suivre un règlement. Pour la première fois de ma vie, j’étais spontané. Je lui confiais ma vie, sans réserve. Je n’avais pas peur de son jugement. Comme si j’avais l’intime certitude que Charly m’acceptait comme j’étais avec tous mes défauts. Depuis le premier regard, j’avais eu envie de tout savoir sur Charly. Et de tout lui dire sur moi, si elle me faisait l’honneur de me le demander. Charly m’avait renversé en un regard. Moi, le type rationnel, j’avais eu un coup de foudre dans un cimetière. En un battement de cil, Charly avait fait tomber mes aprioris sur les relations du couple. C’était beaucoup plus épanouissant que je le pensais. Ma vie était bien rythmée, j’étais équilibré, j’avais un boulot prenant et exigeant. Je ne pensais pas vraiment avoir besoin d’une femme avant de rencontrer Charly. Quatre mois à peine, et je n’imaginais plus ma vie sans elle. . « J’allais pas dire ça, mais c’est bon de savoir que tu peux pas me dire non. » Je me mordis les lèvres, j’étais pris sur le fait. Je venais moi-même de me vendre. Qu’est ce qui m’arrivait ? Est-ce qu’on peut faire comme si je ne l’avais pas dit à voix haute ? Non pas que je le regrettais. Mais me rendre aussi vulnérable, c’était un peu donner le bâton pour se faire battre, non ? Je ne savais pas vraiment comme tout ça marchait. J’avais l’impression de faire mes premiers pas et de tomber à chaque instant. De me tromper. Et paradoxalement, j’étais très à l’aise avec Charly. Plus que je ne l’avais été avec mes propres amis.

Le rire de Charly résonna dans la pièce. En réponse, je lui souris docilement. Partageant les mêmes pensées qu’elle concernant notre première fois, et les autres fois… . « J’ai pas oublié. » Encore heureux ! Là, je me serais sérieusement vexé. Contrairement à certains hommes, je n’avais doute de côté-là. Tout se passait très bien… Je n’ai pas le moindre doute. Je me mordis les lèvres. Ce n’était certainement pas la première, ni la dernière fois qu’on se lançait ce genre de sous-entendu. J’appréciais ce petit côté couple, sans prise de tête. Pour lui faire bien comprendre que Je n’avais pas oublié une miette de nos ébats passés, je lui mordillais très légèrement le lobe de son oreille, sans chercher à aller plus loin. Ce n’était pas le moment. Par moment, je me demandai si Charly réalisait à quel point elle était un soleil de ma vie. Elle ne se rendait pas compte de tout ce qu’elle avait à offrir.

Charly était d’humeur curieuse. Peut-être un peu trop. Elle allait vraiment être déçue… Je n’avais que des trucs inintéressants à partager. De la case enfant, j’étais passé derrière à celle adulte. Je n’étais pas passé par l’adolescence, je n’avais pas pris de cuite phénoménale, ni fumé de joints. Je n’avais pas profité de ma jeunesse… Je rentrais chez moi, je faisais mes devoirs, je m’occupais de ma mère. Cela prenait énormément de temps, alors ma vie sociale était totalement passé à la trappe. Quand c’était devenu trop, et que les huissiers avaient menacé la maison… je m’étais engagé à l’armée. Courage ou lâcheté. Sans doute de la lâcheté, mais au moins cela permit à ma mère de garder sa maison et moi j’avais une atmosphère plus enrichissante. J’étais considéré, j’étais une recrue parmi les autres. On ne me demandait pas de prendre de décisions cruciales. Je n’avais pas à planquer des bouteilles… Je pouvais être comme tout le monde. Me perdre dans les rangs. Mais d’un autre côté, j’avais abandonné ma mère à ses problèmes d’alcool. Résultats, elle en mourrait des années plus tard. Je ne voulais pas perdre mon temps avec des regrets. Cela pouvait paraitre inhumain, mais les regrets ne servaient à rien. Et puis, d’une certaine manière, ma mère était morte avec mon père. Une partie d’elle du moins. Certainement la meilleure… Voir l’écart entre Charly et moi était déstabilisant. J’avais beau proposer de me rattraper en conservant tout ce qu’on ferait tous les deux, j’avais l’impression que ce n’était pas assez. J’avais de l’expérience, mais certainement pas celle dont Charly voulait entendre parler. Arme à feu. Heure de vol. On ne parlait pas de ça à une fille, si ? Charly se mit sur la pointe des pieds pour m’atteindre, et posa ses mains sur mes joues pour m’empêcher de dévier mon regard ailleurs. « Je suis sûre que ta vie est intéressante. Tu dois juste pas t’en rendre compte. Je me moque de savoir si ces cartons sont remplis ou vides. Et personnellement, je trouve le Luke que je connais très intéressant. » Je gardais mon air septique. Je croisais les doigts pour qu’elle ne change jamais d’avis là-dessus ! C’est d’ailleurs pour ça que j’annonçais, tentant d’ironiser : Je ne veux pas savoir pourquoi… Sinon tu pourrais changer d’avis. Qu’on se le dise, je n’avais jamais manqué de confiance en moi. Jamais. J’étais un militaire, je me voulais réaliste. Je ne noircissais pas le tableau, je n’embellissais pas les choses. Je savais ce que je valais. Et ma vie, mis à part pour l’armée n’était pas grand-chose. Tout ce que j’avais, je le devais à la Royal Air Force. Ma famille ne m’avait offert que de la poussière et mes amis… quelques souvenirs. Je devais partager ça ? Cela n’en valait pas la peine. Je savais que Charly partageait beaucoup de sa vie, surtout ses amis… ce dont parfois, je me passerais bien. Je n’avais rien contre sa bande… mais Charly avait besoin d’eux. Mais trouver sa place là dedans, pour un type comme moi, ce n’était pas évident, même si je n’en laissais rien paraitre.
Le carton ouvert, je n’en sortis qu’un vieux gant de baseball, plus usé par la poussière que les balles. Je m’adossai contre le dossier du canapé, et passais ma main autour de la taille de Charly. Elle posa sa tête sur mon épaule et m’interrogea sur mon père. « Il était comment ton père ? » Vaste question. Non pas qu’elle me mettait dans l’embarras. J’étais capable de parler de mes parents, sans m’effondrer en larme. Cela faisait longtemps, je m’étais habitué. Mon père était mort quand j’avais onze ans. Je m’étais fais à l’idée. Mais comment devrais-je décrire mon père ? J’avais le sentiment de ne pas l’avoir suffisamment connu pour répondre à la question. Je mis un certain temps avant de répondre. La plupart du temps, il était absent. Son métier comptait énormément pour lui. C’était un héros de guerre, mort en mission. C’était le côté officiel. Mon père avait eut une brillante carrière. Son ombre hantait parfois la manière, mais c’était un défi que je voulais relever. Je voulais être à la hauteur. Mais ce qui intéressait le plus Charly, c’était plutôt, comment il était avec moi, non ? A la maison, quand il était là. C’était génial. Ma mère était heureuse… Mon père était le genre de personne qui inspirait confiance. Tu pouvais te reposer sur lui, sans hésiter. Quand il était là… On formait une famille. Je souris nostalgique de ses belles années. Sauf que c’était loin d’être parfait, même dans mes souvenirs. Les lettres qu’écrivaient mon père ne me suffisaient pas, il m’avait énormément manqué. Sa carrière passait avant sa famille, même si je ne doutais pas qu’il nous aimait. C’était un bon père, je doute qu’il s’en soit rendu compte. Sinon peut-être qu’il aurait passé plus de temps à la maison. Je ne voulais pas commettre les mêmes erreurs que mon père. Je conclus avec le sourire. Nos pères étaient très différents. Mon père n’avait jamais montré ses sentiments. Il ne m’avait jamais dit qu’il m’aimait. Je ne lui reprochais pas. Mais même si j’admirais son courage, et le charisme de leader qu’il dégageait, je savais qu’il n’était pas parfait. Je frottai délicatement le dos de Charly. Puis je sortis du carton quelques photos pour montrer à Charly à quoi il ressemblait. Bien évidement, c’était des photos où il était en habit de militaire. L’armée, c’était un truc de famille. Il parait que je lui ressemble beaucoup… Physiquement, nous avions un air de famille… Mais pas au point de nous confondre, je pense. Pourtant, ma mère m’avait souvent pris pour lui… La faute à l’alcool souvent. J’ajoutai avec dérision Côté caractère, peut-être. Physiquement… ca devait être les vapeurs de vodka. J’en riais, mais… j’en voulais à ma mère d’avoir finis comme ça. Autant que je m’en voulais de ne pas avoir su m’occuper d’elle convenablement. Charly saurait à qui je faisais référence. Tout ceci dit, je ne voulais pas remuer des souvenirs pénibles pour elle. Son père était récemment décédé. Tout cela n’était très gai. Tu veux qu’on parle de nos parents respectifs ? Ou tu veux qu’on parle… de notre avenir ? D’enfants… ? Le passé ou le futur. Deux sujets de conversations que nous n’avions pas finis de parcourir. Avec Charly, je sentais que je n’allais pas me lasser.