Courtney & Blake
« I just wanna be free in my world »

Les projecteurs éteints, appuyé contre le mur sur les marches qui mènent à la scène, ma guitare entre les mains, j’évite de laisser mes pensées s’évader. Depuis plusieurs jours, je tente de retrouver ma concentration. D’écrire quelque chose de correcte mais cet inquiétude que Noam rejoigne Boone me terrifie. J’ai toujours nié notre lien et cette pseudo relation que nous entretenions. J’avais tort et je le savais dès le départ. Noam ne comprenait rien. Et en même temps, j’avais pas envie qu’il cherche à comprendre pourquoi je m’opposais à lui, aussi bien verbalement qu’avec brutalité. Je ne pouvais pas avoir une famille. Ça ne devait pas arriver ! Parce que je n’étais pas ce type. Je n’étais le mec sur qui on pouvait compter. J’étais Blake, celui qui ne passe que quelques semaines dans une ville et qui disparait. Je n’étais pas comme eux. Et pourtant, ça faisait des mois que j’étais dans cette ville, sans savoir quoi faire, quoi penser. La seule chose qui me faisait tenir, c’était la scène… et la jeune Bishop. C’était pareil. Je ne dois pas m’attacher et paradoxalement, elle est la seule à connaitre certains détails de mon existence.

Je n’ai pas pour habitude de me confier. Combien de fois Boone ou Court’ ont essayé de me tirer les vers du nez ? Mais je ne leur avais jamais tout dis. En partie parce que je voulais qu’ils continuent de me voir comme j’étais et que cette pitié n’envahissent pas leur regards. Mais ils étaient Courtney et Boone. Même s’ils ignoraient certaines choses, ils étaient les plus à même de pouvoir donner des détails insignifiants sur moi. Comme ma couleur préféré, le noir ou encore l’âge auquel, j’ai écrit ma première ballade à 12 ans. C’était rien et c’était tout. Boone nous avait quittés depuis des années et pourtant, j’éprouvais toujours cette peur panique qu’on m’enlève quelqu’un. Et ce quelqu’un pouvait s’avérer être mon jumeau. Mon frère.

Mes doigts glissaient sur les cordes malgré l’atèle que je portais à la main droite. Ce qui m’entourait disparaissait alors que les mots s’échouaient sur mes lèvres. Il fallut que je tourne la tête une seconde pour reconnaître une silhouette qui m’était légèrement familière. Je fermais les yeux, encore perdu dans ma mélodie lorsque je m’arrêtais net lorsque mon regard accrocha le sien. Elle devait me prendre pour la pire ordure qu’elle n’avait jamais connu dans toute sa vie. Elle était devant moi, après des années de séparation et j’étais incapable d’articuler le moindre mots alors je sentais le poids de son regard.

« Court’… » Murmurais-je en me levant, gardant ma guitare dans une main. « Je… Tu travailles ici ? » réalisais-je alors en voyant le plateau, les verres sales et le chiffon ajusté sur la poche de son jean. Mais ça n’était rien en comparaison du tourment intérieur qui venait me broyer. « Je savais que t’étais… enfin… ça fait longtemps que t’es… là ? » Bon sang, allais-je vraiment réussir à formuler une phrase sans être bouffée par la culpabilité de l’avoir laissée mais également de ne pas avoir su garder Boone en vie. Ça risquait bien d’être le début d’un nouvel enfer que je ne saurais nommer.

J'étais chez moi en cet fin d'après midi, loin de savoir que quelques heures plus tard j'allais avoir devant se yeux un fantôme du passé. Je me préparais à prendre mon service vêtue d'un jean et d'un tee shirt noir ainsi que des talons noir. J'arrivais à mon travail et je commençais mon service. Tout semblait banal, comme chaque jours, souvent les même tête. Mais il ne fallait pas que je parle trop vite. Alors que des clients situés près de la scène quittaient les lieux, je me dirigeais en direction de la table afin de la débarrasser. Plateau en main et chiffon en poche, je crus avoir une hallucination. Était-ce Blake? là? juste en face de moi? J'étais incapable de réagir, aucun signe n'apparut sur mon visage, ni sourire, ni colère. Voyant qu'il avait du mal je le fixais.

ça fait 1 mois que je suis revenue Blake!

Je ne savais pas si c'était de la colère ou de la joie de le voir en face de moi. J'étais à la fois heureuse de savoir où il était mais je lui en voulais terriblement de m'avoir laissé seule dans cette sale épreuve, sans rien dire et sans donner aucun signe de vie. Je lui avais répondu avec un telle froideur...

Ravie de voir que t'es encore de ce monde!

Je voulais faire allusion au fait qu'il n'est donner aucun signe de vie.

On ne pouvait pas fuir son passé. Quelle ironie ! Le simple fait d’y penser me rappelait que tout ici devait m’être familier. C’était dans cette ville que j’étais née. Dans cet hôpital où mon frère luttait contre la mort. Mon passé était peuplé de ces fantômes que je tente de repousser. Mais comment y parvenir, lorsque l’unique pensée qui vous obsède est : « C’est moi qui aurait dû me faire percuter. » Je n’aurais manqué à personne. Noam a une petite fille, il est amoureux d’une femme trop compliqué, insupportable et malade. Pourquoi lui ? Pourquoi devait-ce être lui qui devait traverser ça ? A sa place, j’aurais cessé de lutter et ma disparition n’aurait causer de tort à personne. Alors que là. Depuis l’accident, je croisais leur regard. Embarrassement, pitié, silence, et parfois également des regards accusateurs, mitrailleurs. Mais ils n’imaginaient pas combien je préfèrerais être à la place de Noam et que lui puisse récupérer sa vie. Qu’il ait sa chance de voir sa fille grandir et également de se réconcilier avec Charly.

Le Catalyst était ma seconde maison. Le lieu où je me terrais quand rien n’allait. Et ces derniers temps, ils étaient nombreux. Mes doigts me grattent en dépit de l’atèle qui est sensé m’aider à recouvrir de cette fracture mais c’est le dernier de mes soucis. Relevant la tête, je croise un regard. J’aurais préféré qu’il soit amical ou encore qu’il s’agisse de Charly à vrai dire. Au moins, on pourrait s’engueuler ouvertement mais non, c’était Court’ qui se tenait devant moi. Ma gorge se resserre et j’ai du mal à trouver quoi lui dire. Rien ne pourrait changer de ce qu’elle pense déjà de moi. J’étais une ordure. Ou plutôt, je l’avais lâché… Pour faire mon deuil ? Non. Tant que je n’aurais pas la peau de celui qui a ôté la vie à mon meilleur ami, je ne pourrais être en paix. A sa réponse, je détournais les yeux, en hochant légèrement la tête. Fuir. Toujours plus vite, plus loin. Voilà ce qui traversait mon esprit. Fuir encore et toujours. Je déglutis difficilement alors qu’elle enfonçais déjà le clou.

« Désolé, c’est vrai que j’serais bien mieux, six pieds sous terre. Au moins, j’y retrouverais Boone et j’arrêterais d’emmerder le monde ! » lui répliquais-je impulsivement alors que ces mots m’arrachait la gorge. Je réalisais alors que même disparaitre n’atténuerais en rien cette sourde et profonde douleur qui me bouffe l’existence.