I'm not a weak girl
Don't call me weak, no
I'm just a fragile girl
And you are so strong.

« Et voilà comment je me retrouve ici. » L'histoire est enfin terminé. Les larmes me montent aux yeux alors que le barman soupire. J'ai atteint le stade bavard de ma cuite. Le pauvre barman a eu le droit à toute l'histoire de ma vie, de l'abandon de ma mère à mon divorce d'avec Camden. Apparemment, le dicton qui dit que l'alcool délie les langues a vrai. Du moins pour moi. « Et croyez moi, c'est pas une partie de plaisir hein ? Si j'avais pu, je serais rester là haut. C'était plus facile que d'affronter l'indifférence de tout le monde ici. » Je pose ma tête sur le comptoir pleurnichant. J'ai atteint le stade déprime. Les téquilas n'ont jamais eu un bon effet sur moi. Au départ, c'est facile d'enchainer les verres, mais la téquila a tendance à me rendre triste et a me donner envie de vomir. Merde. Je me précipite aux toilettes. Mais rien ne vient. Je m'assois sur le sol. C'est pas vraiment confortable et plutôt dégeux même, mais mon cerveau est trop brouillé avec les vapeurs d'alcools que j'ai ingurgité ce soir.

La porte s'ouvre brutalement et si j'étais pas déjà assise, je serais probablement tombé à la renverse, légèrement effrayée par le regard noir que me lançait la jolie brune face à moi. J'avais chaud, la bouche pâteuse et des cheveux me collaient sur le front. C'était loin de l'image glamour qu'on pouvait avoir de certaines filles. Je devais renvoyer une image pathétique. « Pourquoi t'es aussi grande ?»

Allongée sur le canapé, Charly pensait à la soirée qu’elle allait définitivement passer toute seule, Noaly passant la soirée avec son père. Elle aurait pu appeler Joyce, Josh ou même Casey, mais elle préféra n’en rien faire. Elle ne supportait plus de leur mentir. Elle soupira grandement avant de se contorsionner pour pouvoir attraper la télécommande qui se trouvait sous ses fesses. Elle l’attrapa, l’observa pendant une bonne dizaine de minutes, comme on observe un objet lorsque l’ennui s’empare de nous c’est-à-dire comme on observe le saint graal puis elle se décida à souiller ce temple d’une multitude de touches avec ses doigts pour changer de chaîne. Sans s’en rendre compte, elle mit la chaine des dessins animés. Un des inconvénients d’être une jeune maman, c’est de se taper de nombreux dessins animés, nuls plus les uns que les autres et finir par les adorait. Sa cousine la tuerait si elle savait ce à quoi elle passait sa soirée, du haut de ses 24 ans. Elle avait besoin d’un vrai film, un qui la tiendrait en haleine toute la soirée parce que pour le moment, elle avait plus l’impression d’être une chiffe molle qu’autre chose. Trop occupée à changer les chaines, elle n’entendit son portable sonner qu’au bout de la 3e sonnerie. Numéro inconnue. Charly hésita à répondre. Après tout, c’était sa seule soirée de libre, mais elle finit par le faire. Sait-on jamais. Elle s’était attendue à beaucoup de choses, même à gagner la lotterie, mais pour sûre, elle ne s’était pas attendue à ça.

Dix minutes plus tard, elle se garait devant le Catalyst. Tout le monde se connaissait dans la ville et apparemment la seule personne capable de s’occuper de la jeune Burgham ce soir était Charly. Plus ironique, on ne pouvait pas faire. Se plantant devant le barman, elle lui demanda où se trouvait sa livraison. Il lui indiqua les toilettes d’un signe de la tête. Faisant claquer ses talons sur le sol, elle poussa toutes les portes des toilettes femmes avec un certain dégout avant de voir le corps de la jeune Burgham, sa tête étant dans les WC. La main de Charly s’abbatit sur la porte pour faire connaitre sa présence. « Pourquoi t'es aussi grande ?» Dans d’autres circonstances, elle aurait rit. Si ça avait été Joyce par exemple, mais là, elle n’avait pas le cœur à rire. Surtout quand on savait que ce n’était pas du tout le genre d’Angie. « Allez viens, je te ramène. » Elle l’attrapa en la calant sous son bras. Elle l’aida à se relever et tenta de la faire sortir du bar. « Si tu vomis dans ma voiture, je te jette dehors. »

Je ne sais pas ce qui m’avait pris. Cette soirée n’était pas sur la liste des choses à faire. Je ne me souvenais même plus avoir atterrit dans ce bar. Je n’avais aucune idée de comment je m’étais retrouvé ici. L’alcool avait déjà pris possession de mon corps, laissant cette sensation de bien être en moi. Du moins, juste avant que je ne mette à parler de mon cher ex-mari. J’avais alors atteint la phase pas très glorieuse de ma cuite, où un rien ne me fait pleurer et où mon estomac ne retient plus rien. Assise sur le sol des toilettes du Catalyst, je sursautais quand la porte s’ouvrit brutalement laissant entrevoir une silhouette que je ne connaissais que trop bien.

« Allez viens, je te ramène. » Je la laissais m’aider, marchant approximativement. Ma langue sortit, je tentais de me concentrer pour marcher comme si je n’avais rien bu, mais mes pas se faisaient hésitants. Heureusement que je n’avais pas mis de talons aiguilles, j’aurais pu me tuer. « Tu sens drôlement bon. » remarquais-je. Une odeur de noix de coco et d’un je ne sais quoi. « Si tu vomis dans ma voiture, je te jette dehors. » Me laissant tomber sur le siège passager, je levais les pouces pour lui prouver que j’avais bien compris. J’essayai de lui faire un clin d’œil mais mes deux yeux se mirent à cligner. Me relevant rapidement, ma tête se mit à tourner. « J’ai oublié mon sac à l’intérieur. » Il ne m'en fut pas plus pour retourner à l'intérieur du bar.

Etant la patronne d’un des bars les plus côtés de la ville ( c’est pas moi qui le disait mais l’office de tourisme qui avait fait l’éloge du Bones dans son nouveau guide ), j’avais déjà vu des personnes dans un état pitoyable. Une fille avait même vomi sur ma nouvelle paire de chaussures – paire qui m’avait couté un bras - un soir après qu’elle ait abusé de la téquila pour fêter son diplôme. J’avais vu de tout, du rocker qui se met à pleurer sur sa vie après deux trois verres aux filles qui devenaient stripteaseuses. Et pourtant d’aussi loin que je m’en souvienne, je n’avais jamais vu Angie dans un état pareil. Pourtant, je la connaissais depuis toujours. Angie avait toujours été le genre de fille responsable. Faut dire qu’elle s’était mariée alors qu’on cherchait encore tous notre place dans la société, avec plus ou moins de succès.

Passant mon bras autour de sa taille, je tentais de la guider jusqu’à ma voiture. C’était assez difficile étant donné qu’elle n’arrêtait pas de tanguer et de renifler mes cheveux. J’avais à peine eu le temps de faire le tour de la voiture que déjà, elle refaisait le chemin inverse. « Burgham reviens ici, tout de suite. » Mon cri eut l’effet voulu puisqu’elle se tourna vers moi avec l’air d’une petite fille ayant été pris les doigts dans le pot de confiture. « Tu restes dans la voiture, je vais te chercher ton sac. » Je fis le tour de ma voiture, m’assura qu’Angie était bien installé et fit le retour vers le Catalyst à la recherche de son sac à main. Me dirigeant vers le bar, je le repérai bien vite. J’avais pas du tout envie de rester ici. Surtout si c’était pour croiser le jumeau démoniaque. Ma soirée avait déjà pris une tournure inattendue, je ne voulais pas qu’elle prenne une tournure des plus désagréables. Tentant de me faire un chemin vers la sortie, je voyais toutes ses personnes s’amuser comme s’ils étaient seuls au monde. Depuis quand ça ne m’était pas arrivé ? Est-ce que ça m’était déjà arrivé ? Me mettant au volant de la voiture, forte d’une toute nouvelle énergie, je me tournais vers Angie. « Accroche ta ceinture. » Le pied sur l’accélérateur, les cheveux aux vents, on traversait Hope Mills. Destination ? Certainement pas la maison Burgham.